
Dans une poussière, il y a un monde
George Sand 1876, La Fée Poussière [in Contes d’une grand mère, seconde série], Calmann-Lévy
Résumé
Une petite fille se prend d’affection pour une pauvre vieille sale, la dame poussière, que tout le monde chasse. Celle-ci lui raconte qu’elle est à l’origine et à la fin de chaque création de la nature.
Contes d’une grand-mère, seconde série
- Le Chêne parlant
- Le Chien et la Fleur sacrée
- L’Orgue du Titan
- Ce que disent les fleurs
- Le Marteau rouge
- La Fée Poussière
- Le Gnome aux huîtres
- La Fée aux gros yeux
Commentaires
Autre conte de la création, celui-ci anime par la magie du féerique les particules les plus négligeables de la nature : la poussière. George Sand avance peu à peu dans le développement de la sensibilité, jusqu’à l’extrasensibilité poétique. Là encore, George Sand va faire entendre un message écologique mais aussi scientifique. Du « Rien ne se crée, rien ne se perd tout se transforme », à la philosophie atomiste de Démocrite et surtout de Lucrèce avec son De la nature, en passant par une théorie de l’évolution marquée par un progrès des espèces. L’homme n’en serait pas l’aboutissement final mais est dépassable. On pourrait reprocher cette perspective donnant en quelque sorte un sens positif à l’évolution, mais cette perspective n’est-elle pas enviable pour instruire les enfants, l’homme tout comme la nature, ne peuvent-ils pas s’améliorer ?
Passages retenus
Quel sens prend l’évolution, p. 110-111 :
– Attendez ! m’écriai-je, voici un luxe de monstres qui me scandalise ! Voici votre terre qui appartient à ces dévorants qui vivent les uns des autres. Il vous fallait tous ces massacres et toutes ces stupidités pour nous faire un fumier ? Je comprends qu’ils ne soient pas bons à autre chose, mais je ne comprends pas une création si exubérante de formes animées, pour ne rien faire et ne rien laisser qui vaille. […] Si la nature est une grande fée, elle pouvait bien se passer de tous ces essais abominables, et faire un monde où nous serions des anges, vivant par l’esprit, au sein d’une création immuable et toujours belle.
– La grande fée Nature a de plus hautes visées, répondit dame Poussière. Elle ne prétend pas s’arrêter aux choses que tu connais. Elle travaille et invente toujours. Pour elle qui ne connaît pas la suspension de la vie, le repos serait la mort. Si les choses ne changeaient pas, l’oeuvre du roi des génies serait terminée et ce roi, qui est l’activité incessante et suprême, finirait avec son œuvre. Le monde où tu vis et où tu vas retourner tout à l’heure quand ta vision du passé se dissipera, – ce monde de l’homme que tu crois meilleur que celui des animaux anciens, ce monde dont tu n’es pourtant pas satisfait, puisque tu voudrais y vivre éternellement à l’état de pur esprit, cette pauvre planète encore enfant, est destinée à se transformer indéfiniment. L’avenir fera de vous tous et de vous toutes, faibles créatures humaines, des fées et des génies qui posséderont la science, la raison et la bonté ; je vois ce que je te fais voir, et sache que ces premières ébauches de la vie résumée dans l’instinct sont plus près de toi que tu ne l’es de ce que sera, un jour, le règne de l’esprit sur la terre que tu habites. Les occupants de ce monde futur seront alors en droit de te mépriser aussi profondément que tu méprises aujourd’hui le monde des grands sauriens.
7 commentaires sur « Renverse ton image : La Fée Poussière, George Sand (conte) »