
La rose séduit pour donner goût à la vie
George Sand 1876, Ce que disent les fleurs [in Contes d’une grand mère, seconde série], Calmann-Lévy
Résumé
La grand-mère raconte à sa petite fille Aurore que les fleurs parlent et sont jalouses de la rose. Un jour, elle a entendu le vent du zéphyr raconter à une fleur d’églantier, comment à l’origine du monde, il a rencontré la rose.
Contes d’une grand-mère, seconde série
- Le Chêne parlant
- Le Chien et la Fleur sacrée
- L’Orgue du Titan
- Ce que disent les fleurs
- Le Marteau rouge
- La Fée Poussière
- Le Gnome aux huîtres
- La Fée aux gros yeux
Commentaires
Ce conte a des allures de mythe de la création : au début il n’y avait que des vents forts qui empêchaient et détruisaient toute création sur une terre de roches arides. La rose, symbole de beauté, devient la protagoniste du conte, donnant le fil qui permet de suivre un propos sur l’évolution des espèces, des premières cellules aux plantes puis aux arbres, aux animaux et fleurs.
Après l’arbre, les animaux et les paysages, la question de la parole concerne maintenant les fleurs, qui ici parlent tout à fait, renvoyant un monde parallèle à la société des hommes jaloux et bavards, obsédés de l’image de la beauté… Mais à ces fleurs « domestiquées », cultivées par l’homme, s’oppose la fleur sauvage qui elle discute avec le vent, et propose de voir le langage des fleurs par sa valeur poétique et non matérielle, on pensera à l’interprétation des fleurs chère à Proust. La beauté de la rose séduisant le vent n’est pas porteuse d’un symbole de futilité égoïste mais de paix et de prospérité de la nature.
Passages retenus
Destruction et renouveau, p. 92 :
– Laisse-moi te confier ce trésor que je veux sauver.
– Sauver ! s’écria-t-il en rugissant de colère ; tu veux sauver quelque chose ?
Et, d’un souffle, il arracha de ma main la rose, qui disparut dans l’espace en semant ses pétales flétris.
Je m’élançai pour ressaisir au moins un vestige ; mais le roi, irrité et implacable, me saisit à mon tour, me coucha, la poitrine sur mon genou (sic. ?), et, avec violence, m’arracha mes ailes, dont les plumes allèrent dans l’espace rejoindre les feuilles dispersées de la rose.
– Misérable enfant, me dit-il, tu as connu la pitié, tu n’es plus mon fils. Va-t-en rejoindre sur la terre le funeste esprit de la vie qui me brave, nous verrons s’il fait de toi quelque chose, à présent que, grâce à moi, tu n’es plus rien.
Et, me lançant dans les abîmes du vide, il m’oublia à jamais.
Je roulai jusqu’à la clairière et me trouvai anéanti à côté de la rose, plus riante et plus embaumée que jamais.
– Quel est ce prodige ? Je te croyais morte et je te pleurais. As-tu le don de renaître après la mort ?
– Oui, répondit-elle, comme toutes les créatures que l’esprit de la vie féconde. Vois ces boutons qui m’environnent. Ce soir, j’aurai perdu mon éclat et je travaillerai à mon renouvellement, tandis que mes sœurs te charmeront de leur beauté et te verseront les parfums de leur journée de fête.
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