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Ramasse tes lettres : Manon Lescaut, de Prévost (roman)

Qui courra le plus vite, de l’amour-passion, ou de la réalité ?

Prévost (Antoine-François) 1731-1753, Manon Lescaut (Histoire du chevalier des Grieux et de), éd. Librairie Générale de France, coll. Le Livre de Poche, 1972

Extrait des Mémoires et aventures d’un homme de qualité (1727-1731). La réédition de 1753 s’accompagne de corrections et d’ajouts majeurs.

Note : 4 sur 5.

Résumé

Le chevalier des Grieux a dix-sept ans et se destine au service religieux dans l’ordre de Malte (les Hospitaliers), quand il croise le regard de la voluptueuse Manon Lescaut, que ses parents envoient au couvent. Elle retarde son entrée d’une journée, il l’enlève pendant la nuit, ils vivent une première idylle à Paris. Après quelques semaines, leurs économies sont épuisées, Manon se propose d’y remédier et s’offre au riche M. de B… Retrouvé par son père, abattu d’avoir été trompé, des Grieux suit les conseils de son ami Tiberge et entre au séminaire, faisant vite parler de lui comme d’un abbé prometteur. Manon le retrouve et lui réaffirme son amour. Ils s’enfuient à nouveau. Suivant les conseils du frère de Manon, des Grieux triche aux jeux avant d’accepter de tromper un vieux noble intéressé par les charmes de Manon.

Il faut compter ses richesses par les moyens qu’on a de satisfaire ses désirs.

p. 121

Commentaires

Cette aventure est caractéristique de la noblesse du XVIIIe appliquant aux mœurs le libertinage philosophique du XVIIe, noblesse ainsi souvent qualifiée de décadente ; on peut dénombrer tous les larcins imaginables – enlèvement, prostitution, tricherie au jeu, arnaque, évasion, meurtre… Mais ce petit récit est particulièrement frappant parce que s’il tient du libertinage XVIIIe (Liaisons dangereuses, Sade…), il annonce aussi le pré-romantisme (d’un Paul et Virginie) avec cet amour impossible mais plus fort que tout, et cet épisode sur les terres perdues du Nouveau Monde (qui pourra faire penser aux premiers romans de Chateaubriand Atala et René).

Le style demeure très classique et la première personne marque le style des mémoires bien qu’il s’agisse d’un récit second. On suppose néanmoins que ces aventures sont fortement inspirées de la jeunesse de Prévost. En cela, on s’approche à couvert du style qu’auront Les Confessions de Rousseau lequel n’hésitera pas à raconter ses mauvaises actions en tant que document humain authentique pouvant mieux rendre compte de l’homme dans sa nature profonde, sous l’homme mondain. Ainsi, Prévost raconte, sans juger, sans s’appesantir sur les détails, les causes… il s’agit bien de peindre une passion amoureuse, dans sa vérité, si immorale soit-elle.

Le thème le plus intéressant est la question de l’argent qui vient toujours gêner, interrompre l’idylle amoureuse, la ramener à la réalité. L’amour nécessitant le sacrifice de la situation, il peut difficilement tenir. Ce sont bien ces impossibilités qui se manifestent par autant d’actions immorales du couple. Le personnage de Manon est également à ce point très finement posé. L’amour semble dominer entièrement le personnage – qui en disparaît presque entièrement – tant que l’argent ne vient pas à manquer pour soutenir son rythme de vie. Cette folie amoureuse est évidemment à mettre en parallèle avec les amours d’Abélard et Héloïse (passant également de l’amour-passion dévorant, au dur retour à la réalité, puis au renoncement et à la consolation divine) et à opposer à l’amour naïf de L’Astrée (le berger et la bergère amoureux qui sont séparés par de multiples mésaventures, comme si toute l’aventure amoureuse consistait à se trouver et à faire couple malgré les obstacle alors que les plus difficiles péripéties se jouent sans doute après…).

Passages retenus

p. 20 :
Son esprit, son cœur, sa douceur et sa beauté formaient une chaîne si forte et si charmante, que j’aurais mis tout mon bonheur à n’en sortir jamais.

p. 39 :
Que les résolutions humaines soient sujettes à changer, c’est ce qui ne m’a jamais causé d’étonnement ; une passion les fait naître, une autre passion peut les détruire. […] S’il est vrai que les secours célestes sont à tous moments d’une force égale à celle des passions, qu’on m’explique donc par quel funeste ascendant on se trouve emporté tout d’un coup loin de devoir, sans se trouver capable de la moindre résistance, et sans ressentir le moindre remords.

p. 111 :
L’amour est plus fort que l’abondance, plus fort que les trésors et les richesses, mais il a besoin de leur secours ; et rien n’est plus désespérant, pour un amant délicat, que de se voir ramené par là, malgré lui, à la grossièreté des âmes les plus basses.

p. 174 :
Un cœur de père est le chef-d’oeuvre de la nature.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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