Freestyles poétiques sur graffitis
août 2020-juin 2021 illustrations poétiques d’un choix de graffs tirés de Figures de graffeuses (2020, éditions Alternatives), dont on a aussi croqué littérairement l'auteure

La graffeuse : Nemo (tibi amat)
Goûte à ma carotte
Moi, le légume des villes Mes couleurs fadissent Perdent sel à frotter Le plâtre gris des bâtiments Moi, l’habitant des cubes, Sédentaire renfermé Je m’allonge sur ma fierté Sur mes rêves mes idées Les oublie les salis Je me coiffe, un tissu Recouvre ma chair et la cache Ma nudité découpée Les lames de l’industrie Perdus mes bras mes racines, Mon corps mon énergie En tranches mon identité Alors moi-même Je me jette je me plaque Me calque et me copie M’aérographie Voilà ma face déformée Semblant une femme tombée du sablier

La graffe : Son P
Ma belle hystéricité
Moi, la femme maquillée Celle que vous fixez Que vous collectionnez, le bel objet Que tu crois ? Me suis pas créée pour toi ! Mes yeux tu les vois Cils traits coups de noir Traînées rouge feu Mèches électriques Tâches bleues Pommettes rouges et rondes Grain de beauté petit nez Bouche rose pincée Tout ça pour toi ? Mascara, allure de geisha Zyeux sournois, visage figé Inexpressif, la poupée pour tes bras Un corps comme tu voudras Que tu commanderas de tes doigts Sales, prisonnière de ton rêve gras Mes cheveux ne t’en fais pas Ondulent en liberté Vont sur toi, effleurant Ton corps qui dormira Mille serpents prêts dansant Ma folle dangerosité Moi la harpie, les cris, les larmes Et les griffes, l’hystérie Arrière-pensée d’artificier Je suis cette bombe que tu as créée.

Graffité par Kaldea
La femme est un ninja
Dans les parcs, les coins sombres, les ruines Parmi les toxs, les idiots, les gens ivres Apparaît par surprise Un peu sur la défensive Une silhouette déguisée Démarche étudiée Cascade de parfums Maquillage assassin Yeux sans fond Bouche colère Sensualité guerrière Chevelure d’onde Faufilant distinctement Entre les langues de ciments Les trafiquants aux regards sales La main du mollusque mâle Sur les billes des golems pervers Imprime ses lettres meurtrières Les lascars en tombent leur pyjama La femme est un ninja

graffeuse en bas à droite : Stool
Artisane de soi
La femme est une composition Ses facettes sont des papillons De couleurs qui se reposent Et s’en vont Au gré du vent Volatiles animant Un rocher brisé Dans lequel sommeillaient Des étincelles de rire Et des lasers de larmes Sa pensée est une palette Ses idées des éclats de pierres Son geste un vêtement Ses parfums sifflotant L’être humain est une œuvre à créer Un artifice de vie dans la pierre

graffeuse : Lweez
Respiration minérale
Au milieu d’un monde tout gris Où les pierres n’ont plus de vie Ni de sens, ni de chair Reste à faire bouger le silence Et sourire le béton fier Les lettres de l’industrie Si tu me souris je te souris Je suis un mur animable Considère-moi en être respectable C’est ton art qui te donne une âme Même si ce n’est qu’artifice Ton art est un service C’est moi la pierre couverte du voile La fiction le mirage Qui épaissira ton visage Ni ta vitesse, ni ta pensée Mais les atomes de magie qu’j’ai T’offrent un reflet, une vitalité Alors rappe avec les tours Danse avec les lettres Balance des briques pastelles Sur le langage industriel Que vivent les pierres !

graffeuse : Milka One
Le Banc musical
Toujours une place pour toi Mon frère, ma sœur Partage le rire du roi Mon frère, ma sœur En attendant l’un ou l’autre dieu Faut bien qu’on occupe les lieux Entre animaux des bâtiments Feuilles et mégots qui volent au vent De la crypte au dernier palier Rats et chauve-souris des cités Pigeons de la dalle et des toits Pangolins de la came du bois Vus de loin, les jours sont sales Et les casquettes sont les mêmes Mais y a pas un mur sans blague Et chacun joue son Marvel Guette comme la poubelle drague Le lampadaire son visage pâle Été, hiver, printemps Collection de grognements Automne et claque les dents Contes et légendes du banc Monde entier rejoué Dans la scène d’escalier Volantes voitures du futur Histoires de fesses et beaux mégots Aventure, street-peinture Matches de foot phénoménaux Durs à croire et gros complots Fables dont vous êtes le héros Avenir, gloire et famille Chercheurs de perles qui frétillent Techniques de pointe de la taille L’art de riposte à la diable Ça bondit, ça jacte, ça dévie C’est ça la brute rue philosophie Survêt’, basquettes, claquettes Y a de la vie sous l’étiquette Du bien-être dans tout ce foutoir Une place pour toi dans nos histoires
2 commentaires sur « Mes petites écritures : Ce que murmurent les figures (poésie) »