
Face souriante du graffiti, profondeur des murs
Derquenne (Audrey) & Clerc (Elise), Figures de graffeuses, éd. Alternatives, 2020
Disponible ici sur le site des éditions Alternatives, tout comme leur premier ouvrage simplement intitulé Graffeuses, paru en 2018, qui mettait déjà en avant les femmes dans le graffiti, mais restait centré sur les lettrages.
Contenu
50 graffeuses, expertes dans l’art des « figures » (ou graffitis figuratifs, personnages), illustrent de nombreuses photos de leurs œuvres en s’exprimant sur leur parcours, leurs pratiques, ce que signifient pour elle l’art, le graff ou les figures dans le graff, ce qu’elles ressentent lorsqu’elles peignent, leur rapport à la question de l’illégalité, « le tag vandal », leur rapport au groupe, au monde du graffiti, en tant que femme, le virage à l’âge adulte, les difficultés à conjuguer leur passion avec le statut de salariée ou de mère de famille, leurs influences, leurs goûts musicaux…
En guise de présentation des autrices, (ex?)graffeuses
Conte biographique : Madame D. et Miss 6-if
Mini choix de graffs illustrés poétiquement
Temps poétique : Ce que murmurent les figures
Divagations entraînées par la lecture
Contenu
Le titre « Figures de graffeuses » joue sur les contenus pictural (dessins figuratifs d’artistes féminines) et scriptural du livre : récits de parcours, positions artistiques exprimées, émotions, influences… (ce qui constitue en quelque sorte des autoportraits, des figures). On pourrait aussi au vu de la couverture s’attendre essentiellement à des visages de femme, et c’est bien ce que l’on trouve en majorité (une bonne moitié), à se demander – ce que font certaines – s’il s’agit de représenter la femme dans l’espace public, prolongation d’un combat pour gagner de l’importance au monde, une liberté… ou si les femmes-artistes perpétuent le modèle marchand de la femme esthétisée, érotisée. En second lieu, viennent les figures d’animaux plus ou moins anthropomorphisés ou « biboyisés » (un singe au micro, un chien bombe en gueule), cédant ainsi à la très conventionnelle tendresse pour les animaux, ou bien exprimant l’instinct, l’animal en la femme, l’art sauvage (né de presque rien, comme tous les éléments de la culture hip-hop). On trouve ensuite des personnages plus indéfinissables, sortes de formes animées comme s’il était clairement question de donner vie, sourire et bouche au mur ou à la peinture, d’animer les lettres. Et puis, quelques personnages masculins. Les lettrages ne sont bien-sûr pas absents, qu’ils entourent une figure, que la figure soit une partie d’eux (lettre animée ou remplacée), ou qu’ils soient l’œuvre montrée, rappelant le lien inextricable que les figures entretiennent avec ce cœur du graff qu’est le lettrage (même si certaines s’en affranchissent).

Comme un perso de B.D.
Pour l’univers du graffiti, le lettrage (comme le verbe biblique) est premier. Les dessins figuratifs sont donc en général une sorte d’accompagnement. Le choix des deux auteures (après une première publication orientée lettrages) d’axer l’ouvrage sur ces pratiques figuratives, c’est la volonté d’accorder une nouvelle importance à cette pratique seconde (parallèle à l’ambition de mettre la femme et l’homme graffeuse graffeur sur un pied d’égalité ?). Les graffeuses ici présentées rappellent qu’elles sont confrontées à deux difficultés : le fait de faire des figures considérées comme plus conventionnelles ou faciles d’accès (comme des chansons pop) dans un monde de lettres (art abstrait, free jazz), et d’être des femmes dans un univers plutôt masculin. La première difficulté se résout d’elle-même : la figure est non seulement nécessaire au lettrage, complément donnant de la légèreté, du mouvement, de la fantaisie, mais elle est comme une double-porte d’accès – comme le dieu Janus – pour accéder à ce monde secret pour les non-initiés (les lettrages étant souvent plus hermétiques) mais aussi pour les graffeurs pour en sortir et se rendre dans le monde conventionnel de l’art reconnu, rémunéré, de l’art appliqué… La figure complétant un éventuel book en montrant des compétences de dessin traditionnel, d’illustration. Les figures représentent également une plus grande interaction avec le spectateur. Il y a avant tout un regard, une moue, un mouvement, dans chacun de ces personnages. Du personnage convivial riant parmi ses lettres, comme un partenaire de jeu ou de rêve, à la femme qui séduit, libérant tout son charme ou qui au contraire marque son mécontentement par son regard, par un cri… en passant par le personnage acteur du mouvement, qui danse, qui vit dans l’univers urbain de la rue, des banlieues, du hip-hop… presque un personnage de bande dessinée. L’influence du monde des BD, comics ou mangas est flagrante. Les murs blancs, longs comme des bandes, se prêtent très bien à cette lecture, à ce mouvement, cette action qui se déploie, de gauche à droite (tout comme la disposition des photos), réconciliant dessin et écriture, signifiant et signifié. Les lettres sont souvent présentes pour leur formes, leurs mouvements et couleurs (non plus pour leur signification), les dessins portent davantage de sens (inversant le rapport habituel). Bref, les figures font parler les murs, sont-ce les voix des sans-voix ? les exclues et les emmurées ? Ces femmes qui étaient cachées sortent des murs. La vie de la pierre, trait tellement évident pour cette culture urbaine, née des bas-quartiers où les hommes et femmes sont justement si souvent réduits et réduites aux pierres et aux murs qu’ils habitent (attachement à leur résidence définie par l’unité esthétique des bâtiments, jeunes qui tiennent les tours en s’adossant, cœur de pierre, vie dans les caves, femmes discrètes voire emmurées…).

Une pratique mystique
Plusieurs artistes essaient de rattacher l’étrangeté de leur pratique – s’exprimer en dessinant sur un mur – à quelque chose de plus profond et naturel dans le corps, dans la nature humaine, comme si elles retrouvaient un geste instinctif, d’où ce rapprochement – plutôt évident à y regarder de près, mais très pertinent – aux peintures des cavernes des premiers hommes (et femmes, puisque les spécialistes ont récemment surmonté l’apriori d’une stricte division sexuée des tâches dans les sociétés primitives : prouvant que les femmes chassaient et que la fonction importante de chamane leur était souvent attribuée). Parallèle évident entre les bombes et marqueurs et la technique des pailles aérosol et bâtons de craie. Pour Jean Clottes (in. Les Chamanes de la préhistoire), en faisant surgir une figure animale ou anthropomorphe de la pierre, l’artiste-chamane reconnecte l’être humain individuel et pensant (enfermé dans le monde de son esprit) à l’ensemble du monde naturel, de ses semblables, des animaux, des plantes, de la terre, des morts, des esprits et des énergies, à l’Un. Le graffiti n’est-ce pas redonner vie, couleurs et visage à des murs, décor urbain gris et triste ? monde minéral qu’on utilise, artificialise, en oubliant qu’il fait partie du monde de la vie, lui aussi. Et signer son nom, représenter des personnages, des animaux, se représenter sur la pierre, n’est-ce pas inclure l’ensemble de l’existence sur un même plan ? s’y inclure soi-même ? Le plaisir du train ou du camion peints semble être décuplé par la mise en mouvement de l’œuvre, la remise en vie. Devant le mur, il y a comme une magie, une alchimie. On boit, on écoute de la musique, on fait griller des saucisses dans les terrains vagues, on s’alcoolise (comme une mise en transe ?). « Quand la pièce est finie et qu’en se reculant ça rend quelque chose de bien, ça me donne beaucoup d’énergie. C’est une sensation plutôt grisante. » (Zélie, p. 174) L’une danse même devant ses peintures. Une autre amène son cheval et peint parfois en scelle. Pour un spectateur totalement extérieur à cette pratique, regarder des graffeurs graffer est un spectacle curieux, incompréhensible, mystique comme une cérémonie vaudou. On en viendrait à s’imaginer ainsi la scène des premiers hommes et femmes en train de peindre et graver dans la roche. Quant à la pratique du vandal, émotion vitale de l’action pure, peur et excitation extrême, elle ferait penser à la chasse… confrontation aux limites, au danger, la vitesse, le déplacement dans le paysage, dans des lieux hostiles éloignés du feu rassurant du foyer…

Une saine addiction
Nombreuses parlent du graff comme d’un moyen d’« expression ». Pourtant, qu’expriment-elles à travers un nom ou ici à travers une figure ? Il n’y a pas toujours de message mais plus clairement l’expression d’une profondeur, d’une nature, d’un instinct. Cette nature profonde s’exprime ainsi par des formes, des couleurs, qui sont le reflet, la projection (mouvement profondément corporel, exutoire) contre le mur d’un caractère forgé par une vie. C’est là qu’interroger les graffeuses sur leur parcours prend sens car il est évident pour la plupart que leur style (à la base le relief, l’emprunte laissée dans une tablette d’argile par un stylet…) reflète leur personne, leur vie, leurs blessures… Comme le dit Buffon : « le style, c’est [la femme] ». La figure graffée garde quelque chose du parcours de chacune. C’est un avatar qui les représente, en tant que femme ou plutôt en tant que projection dans un monde pictural : l’art n’est pas une imitation de la nature comme a pu le méprendre Aristote, mais une expression des rêves, peurs et croyances. Ainsi ce n’est pas tant une personnalité qui utilise les outils et techniques du graffiti, que le graffiti et ses outils qui construisent une personnalité. Qu’est-ce qui peut amener une jeune fille – clichés de la princesse la coquette la mère – à peindre sur des murs sales dans des terrains vagues, à courir la nuit le long des rails ? Forte déviation par rapport aux attendus sociaux. Certaines l’expliquent par un traumatisme initial, une personnalité étouffée à extravertir, le graffiti devenant moyen de revanche, exutoire. Pour la plupart il est question d’une rencontre, avec une fresque, avec un homme ou une femme qui graffe, avec un collectif, avec un univers magique, coloré, hypnotisant. Le graffiti devenant un trait identitaire obsédant. Toutes lorsqu’elles évoquent cette action de graffer de taguer, parlent d’une expérience physique, psychique et artistique extraordinaire, un choc intime, une épiphanie. Pour quantité des interviewées, l’acte de graffer est devenu une addiction. Elles mentionnent l’adrénaline liée à une action interdite, le vandal, les trains… comme pourrait l’être le vol à l’étalage et bien plus encore le braquage, les sports extrêmes. Comme une drogue, la pratique et les émotions qui y sont associées se sont gravée au corps, dans la moelle. Plus qu’un loisir-passion ou un acte d’appartenance sociologique, le graffiti est devenu pour elles un constituant essentiel de leur personnalité, des briques avec lesquelles elles se sont bâties. Et cette pratique intensive leur a donné une sensibilité artistique, les a formées à l’exigence du travail, les a confrontées à la justice, les a fait réfléchir sur leur place dans le monde, leur statut de femme, les limites entre plaisir et responsabilité, la question des normes sociales et des marginaux… L’être humaine et son action de graffer ne sont plus dissociables.

L’un et le collectif
Chacune l’exprime à sa façon, le graffiti est une pratique profondément égoïste, égotrip comme on dit dans le rap. Mettre son surnom ou « blaze » partout, ou celui de son « crew », de son département… Se plonger soi-même dans une fresque solitaire puis se gonfler d’orgueil ou se vexer des retours à son sujet a quelque chose de très nombriliste. Nemo parle même d’autisme pour exprimer cette pratique très soliste. C’est ce paradoxe entre l’être isolé qui peint, isolé par sa pratique, par une pratique pas toujours acceptée socialement, et quelque chose de profondément liant, une tentative de langage. Les lettres sont communication appels au déchiffrement, interpellation du passant, appel à lui à ne pas être justement qu’un simple passant, à entrer en conversation (« se tourner avec ») à propos du monde, des couleurs et des formes, un monde pur d’émotions et de sensibilité. Les figures en cela, sourire, provocation, réalistes ou fantaisistes sont encore plus directement invitantes que les lettrages. Le graffiti n’est pas seulement une expression de l’individualisme artiste, c’est exprimer le groupe. Un graffiti, ou encore plus minimaliste, chaque tag, représente la culture du graffiti dans son ensemble. Appuyer sur une bombe, c’est graffer pour soi, pour son passé et pour sa sensibilité, pour un groupe avec soi (son collectif), pour une culture, pour une classe sociale (marginaux ?), pour l’humain en général (car il y a une communication entre celui qui laisse trace et celui qui un jour, un mois, un an ou des siècles plus tard – tags antiques – rencontrera le graff ; mais communication de quelque chose d’autre que des mots : de l’humain, de la vie). Et cette puissance vitale projetée sur le mur, elle se confronte quelque part à l’inhumanité des bâtiments, des murs blancs, la brique de forme non-naturelle, les machines du train… Peindre sur ces supports, c’est à la fois se reconnecter à la nature et à l’humain, c’est aussi, réintroduire ces supports inhumains dans le champ de la vie, de la nature.
Le visage du Hip-Hop
Le graff, comme les autres disciplines du hip-hop (deejaying, rap, break, human beatboxing…), peut-être aussi comme les arts dits primitifs, est assimilable à un art de rue dans le sens où ses acteurs ont créé un art avec rien ou si peu. Il n’est requis aucune formation (art brut, au contraire des arts « élitistes » qui nécessitent une connaissance des pratiques académiques). Si le résultat impressionne, le commencement est simple : « Bah, t’achètes des bombes et tu peins ! » (p. 150) se voit répondre la jeune Nesby qui cherchait les « règles de l’art »… Ce qui fait qu’une mère de famille se lance à quarante ans (Elfa), et y éprouve une grande libération personnelle. C’est un art qui est donc ouvert à tous et donc à toutes, qui en tant que parole donnée aux sans voix, art donné aux déculturés, couleur donnée aux marges, se doit de représenter ou donner l’ouverture aux autres, la tolérance (aux femmes, aux minorités, à la différence…), la solidarité, message similaire au « Peace, unity, love & havin’ fun » de la Zulu Nation (organisation pour la prise de conscience par le hip-hop). Message politique d’émancipation par l’action, et non naïf. Si le mouvement doit continuer d’honorer son histoire, ses formes puristes, il ne doit pas se fermer aux nouvelles pratiques venues du street art, de l’art moderne et des autres pays comme les fresques participatives brésiliennes, encore trop rares dans nos villes.
Passages retenus
Nemo tibi amat, p. 24
Taguer est une maladie perverse et pseudo-autistique qui peut être comprise seulement par ceux qui en souffrent. Cela m’a amenée à réfléchir sur comment le faire plus vite et le plus durablement possible, avec le moins d’efforts à déployer. Le « infinite tag roller » et les tongs-timbres sont le résultat.
Je m’ennuie très facilement et j’ai toujours besoin de me réinventer et de chercher à contrôler le volant de mon vaisseau dans l’espace du chaos…
En suivant mon flux de pensée, je fais exactement ce que je fais dans la rue, mais dans une autre dimension, en parlant un autre langage. Ma bipolarité est mon équilibre.
Nemo tibi amat, p. 24
A un moment donné, j’ai commencé à dessiner des carottes dans la rue (et de temps en temps des saucisses), principalement à la perche et au rouleau de peinture. […] La carotte naît à partir du navet, que je faisais souvent à la place de la lettre O. En l’allongeant, en la coupant en rondelles ou en julienne, elle pouvait s’intégrer dans divers espaces et, en outre, créer des lettrages. Au bout d’un moment, les gens m’ont appelée « carrot girl » et ça m’a mis vraiment mal, puisque je vivais cette perception externe comme un label limitatif de toute ma production, donc de moi-même. C’était la carotte totale ! Mais j’aime encore beaucoup ma carotte.
Naissance d’un avatar
Dyva, p. 28 :
En 2001, mon perso est né, dans une voiture à Vigo (Espagne), en revenant d’un voyage au Portugal. Le jour même je lui donnais vie sur le bord d’une voie ferrée. J’avais enfin trouvé mes lignes directrices avec toujours en tête cette fameuse couverture d’1tox. Des lignes simples, un trait rapide et clair, idéal en vandal et reconnaissable immédiatement. […] Au fil des années il s’est affiné, affirmé, j’en ai mis partout et surtout en Espagne, le long des voies ferrées et des routes. Tel un voyageur clandestin, il traverse les frontières et déambule aux quatre coins de l’Europe. Par sa taille, il trouve toujours une place à occuper : dans une rue, sur une voie ferrée, une route… ces places exiguës ou inexploitables pour un lettrage.
Miaoutoo, le frisson du vandal, p. 63 :
Et puis il y a le vandal… C’est vraiment euphorique… C’est le groupe, la vitesse, la lettre, la peur et l’excitation, il faut que ton truc soit propre direct et malgré tout, c’est un savoir-faire. Ça ne se compare pas à une fresque, ce n’est pas du tout la même chose ni la même recherche artistique. Avant, je ne pensais pas qu’il puisse exister des disciplines qui se rapprochent de ces sensations à part des trucs illégaux de fou genre braquage et vol…
Jaye, instinct animal, p. 76 :
Dessiner sur les murs, notamment en vandal, griffonner son nom sur un mur rapidement, c’est aussi bien-sûr marquer son territoire, comme un chien, un chat, un ours et tant d’autres espèces… S’approprier un territoire en y laissant sa marque, moduler ce qui nous entoure, dire comme un chien : je suis passé par là. C’est également rendre ce territoire familier.
les fresques participatives sont un peu l’avenir, Nawak, p. 102 :
Ces dernières années j’ai commencé à faire des portraits avec des gens du coin et des passants. C’est venu comme ça, avec un jeune qui a rappliqué et on a fait plus d’une soixantaine de portraits, y avait toute la cité sur le mur, c’était magique. Depuis j’adore faire ça et voir la réaction des gens, trop fiers d’être immortalisés comme des stars.
p. 105 : Là-bas (en Argentine), j’ai rencontré un groupe (Cruz del Sur) qui faisait des fresques avec les jeunes du quartier. Ils utilisent la peinture pour faire passer des messages, ils peignaient sur les murs des maisons, sur les églises, ils faisaient participer tout le monde, c’était simple, comme une évidence, la peinture avait comme un pouvoir, ce n’était plus un moyen de se faire connaître, écrire son nom ou avoir le plus de style mais un outil pour partager, vivre, égayer, raconter.
Double vie, Thala, p. 149 :
Le paradoxe avec le graffiti, c’est que j’ai rencontré énormément de gens dans le milieu et en même temps, ça a dressé comme une barrière dans ma vie sociale. Ces deux vies sont bien distinctes puisque je fais un métier totalement différent. […]
Socialement, c’est un peu difficile de ne pas pouvoir parler de ce milieu aux gens que je rencontre. C’est ma plus grande passion et ça fait partie de mon histoire. Faire semblant que cette partie de ma vie n’existe pas crée comme un dédoublement de personnalité.
Charge d’émotions, Kwim, p. 196 :
Ce sont des émotions particulières : être concentrée, en surveillance, stressée parfois, mais aussi amusée. L’impression d’avoir quinze piges ! J’adore la nuit, les lumières, les odeurs, les bruits, le support étonnant des roulants… Je dois dire qu’aucune autre activité ne procure toutes ces émotions variées en une même action. Il faut peindre vite avec efficacité et enfin quelques heures après tu vois apparaître en gare le train revisité, sourires des réactions : voyageurs amusés ou au contraire choqués.
Le graffiti comme une revanche, p. 204 :
Gamine
Là y a eu le Tipex, parfait premier outil pour pourrir son lycée, puis les barrières devant le bahut, les bancs, la street, on connaît la suite.
J’ai eu des bricoles à cette époque avec l’école à cause de ça, et bizarrement, ça m’a plu. J’étais jeune et j’aimais déjà l’idée de braver un interdit, de faire chier, de provoquer. […]
D’une gamine voulant appartenir à un groupe de lâches, j’ai réussi à devenir une femme affirmée qui ne s’est plus jamais laissée faire par personne.
Le graffiti comme une régression, Lilipute, p. 212 :
La pratique du graffiti est une régression, je fais de la place à mon imaginaire, à ces images et ces références traînées depuis l’enfance, j’oublie un peu les codes de l’adulte. Se mettre de la peinture partout, visiter des lieux crados, prendre des risques… Pour le vandal, c’est clairement de la transgression car les règles et les lois sont contournées pour satisfaire le sale gosse qui vit en nous.
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