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Attache tes papillons : La Vie drôle, de Alphonse Allais

Même la plus méprisable des anecdotes a son potentiel de drôle et d’inattendu

Allais (Alphonse), La Vie drôle (choix de textes), La Table Ronde, 1994

Note : 2.5 sur 5.

Résumé

Recueil de contes courts parus dans divers publications et non rassemblés du vivant de l’auteur, inspirés de l’actualité, de faits divers, de folles idées d’invention ou de rumeurs.
Citons ce métro secret de contrebande qu’on trouve derrière certaines portes de bistros ; ce mari qui suit une femme dans la rue jusqu’à s’apercevoir qu’il s’agit en fait de sa femme ; ce projet de renverser la Tour Eiffel ; un homme « qui ne veut pas qu’on se f… de [sa] fiole » prêt à dynamiter un distributeur de chocolats ; un amoureux éconduit qui apprend qu’elle va marier son père ; des économies d’énergie grâce à la chaleur humaine ou grâce aux sauts des grenouilles ; un petit groom se suicide pour s’être fait voler une boîte de cigares…

Commentaires

D’un intérêt littéraire limité (pièces que n’avait pas souhaité rassembler leur auteur) mais surtout inégal, ces petites histoires humoristiques parues dans divers journaux n’ont évidemment pas la finesse des œuvres plus reconnues d’Allais.
Cependant, on peut deviner l’un des procédés de création de l’écrivain. S’inspirant de ce qui devraient être de petites nouvelles ou faits divers à visée informative, Allais transforme ces petits riens, ces petits rebus ignobles de l’écriture en courtes fictions fantaisistes provoquant le rire. C’est le délassement du journaliste qui casse le sérieux du monde dangereux pour ses nerfs, qui voit toujours l’élément à rendre drôle en grossissant le trait. Mais contrairement à Maupassant qui déclarait utiliser le rire comme horrible remède au mal de vivre, contrairement aux nihilistes qui réduisent tout à rien, Allais prend au sérieux l’anecdotique et cette poussière drôle qu’il peut ramasser dans le quotidien. Il en fait une richesse. C’est dans les pièces absurdes ou bien énormes que le style faussement sérieux d’Allais se révèle efficace. À placer ainsi entre Franz Kafka et Daniil Harms. Comme chez ce dernier, on remarque la proximité entre les récits courts ou histoires drôles et le théâtre de comédie type one man show.

Passages retenus

La belle inconnue, p. 68
Il descendit le boulevard Malesherbes, les mains dans ses poches, l’esprit ailleurs, loin, loin (et peut-être même nulle part) quand, un peu avant d’arriver à Saint-Augustin, il croisa une femme.
(Une jeune femme dont la description importe peu ici. Imaginez-la à l’instar de celle que vous préférez et vous abonderez dans notre sens.)
Machinalement, il salua cette personne.
Mais elle, soit qu’elle n’eût point reconnu notre ami, soit qu’elle n’eût point remarqué son salut, sans marque extérieure de courtoisie réciproque.
Et pourtant, se disait-il, il l’avait vue quelque part, cette bonne femme-là, mais où diable ! et dans quelles conditions ?
En tout cas, insistait-il à part lui, c’était une bien jolie fille avec laquelle on ne devait pas s’embêter.
Au bout de vingt pas, n’y pouvant tenir, obsédé, il rebroussa chemin et la suivit.
De dos aussi, il la reconnut.
Où diable l’avait-il vue, et dans quelles conditions ?
La jeune femme remonta le boulevard Malesherbes jusqu’à la jonction de cette artère avec l’avenue de Villiers.
Elle prit l’avenue de Villiers et marcha jusqu’au square Trafalgar.
Elle tourna à droite.
Et lui, la suivant toujours, se disait :
– C’est drôle, j’ai l’air de rentrer chez moi.
Avec tout ça, il ne se rappelait encore pas où diable il l’avait déjà vue, cette jeune femme, et dans quelles conditions.
Arrivée devant le n° 21 de la rue Albert-Tartempion, la dame entra.
Ça, par exemple, c’était trop fort ! La voilà qui pénétrait dans sa propre maison !
Elle prit l’ascenseur.
Lui, quatre à quatre, grimpa l’escalier.
L’ascenseur stoppa au quatrième étage, son étage !
Et la dame, au lieu de sonner, tira une clef de sa poche et ouvrit la porte.
Quelque élégante cambrioleuse, sans doute.
Lui, ne faisait qu’un bond.
– Tiens, dit la belle inconnue, tu rentres bien tôt, ce soir !
Et seulement à ce moment il se rappela où, diable ! il l’avait vue, cette jeune personne, et dans quelles conditions.
C’était sa femme.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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