Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Ramasse tes lettres : Faits divers, Daniil Harms (récits courts)

Un défoulement contre la réalité

Harms (Daniil) 1933-1939, Faits divers [in Écrits], Christian Bourgeois, 1993
Traduit du russe par Jean-Philippe Jaccard

Note : 3.5 sur 5.

Résumé

Un personnage qui en fait n’existe pas, des personnages de théâtre qui se disputent, des morts qui s’enfilent les unes sur les autres, le suicide d’une vieille en entraînant un autre, les objets qui se perdent, les accidents qui se répètent, tout s’écroule pour un rien…

Sommaire

Les vieilles qui tombent ; Sonnet ; Pétrov et Moustik ; Illusion d’optique ; Pouchkine et Gogol ; Le menuisier Kouchakov ; Le coffre ; Fait divers arrivé à Pétrakov ; Une histoire de bagarreurs ; Le rêve, Le mathématicien et Andréï Sémionovitch, Le jeune homme qui étonna le gardien ; Quatre illustrations de la stupéfaction dans laquelle une idée nouvelle plonge une personne qui n’y est pas préparée ; Pertes ; Makarov et Petersen n° 3 ; La loi de Lynch ; Rencontre ; Un spectacle raté ; Toc ! ; Ce qu’on vend aujourd’hui en magasin ; Machkine a tué Kochkine ; Le sommeil harcèle l’homme ; Les chasseurs ; Un épisode historique ; Fédia Davidovitch ; Anecdotes tirées de la vie de Pouchkine ; Le début d’un très beau jour d’été ; Pakine et Rakounine

Commentaires

Daniil Harms se sert de la forme sèche du fait divers – sans commentaires, sans modalisation – pour jouer sur le registre de l’absurde, de l’incohérence, de la narration, comme une peinture tout à fait normale de la vie ordinaire. Même lorsque l’action se passe chez les grands hommes (Pouchkine par exemple), rien n’échappe à l’absurde de la vie, à l’accident. D’autre part, tout en proposant l’incohérence comme base de récit, Harms donne une vision tragique du mauvais sort qui s’acharne, de la cruauté humaine (il s’inscrit ainsi largement dans la lignée des récits courts posthumes de Kafka et annonce aussi Le K de Dino Buzzati). Mais c’est tout de même le rire qui prime notamment provoqué par le contraste entre une voix neutre presque journalistique objective et des anecdotes, saugrenues, horribles, touchantes…
En même temps, cette voix de l’absurde, irrévérencieuse – tout comme en peinture l’art abstrait du compatriote Kandinski –, s’oppose frontalement à l’art utile, l’esthétique réaliste prônée par le régime soviétique (un sens facile et lisible déterminant clairement le bien, le mal). Chaque texte est comme une petite énigme souriante qui invite l’individu lecteur à sortir de sa grille confortable de lecture, celle créé par le groupe, par l’idéologie du parti. Cela peut bien expliquer sa persécution par le régime et le silence qui entoura trop longtemps son oeuvre.

Passages retenus

p. 138 :
La loi de Lynch : Pétrov monte sur son cheval et adresse à la foule un discours dans lequel il prédit ce qui se passera si l’on construit un gratte-ciel américain à l’endroit où se trouve le jardin public. La foule l’écoute et semble approuver. Pétrov note quelque chose dans son carnet. De la foule sort un homme de taille moyenne qui demande à Pétrov ce qu’il a noté dans son carnet. Pétrov répond que cela ne regarde que lui. L’homme de taille moyenne insiste. Le ton monte et une dispute éclate. La foule prend le parti de l’homme de taille moyenne et Pétrov, pour sauver sa vie, éperonne son cheval, prend un virage et disparaît. La foule s’émeut et, en l’absence d’une autre victime, attrape l’homme de taille moyenne et lui arrache la tête. La tête arrachée roule sur le pavé et se coince dans une bouche d’égout. Ses passions assouvies, la foule se disperse.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :