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Encaisse la pointe: Retour dans la neige, Robert Walser (prose)

Regarder le monde avec douce dérision

Walser (Robert) 1899-1920, Retour dans la neige (proses brèves), Zoé, Points, 1999
Traduit de l’allemand par Golnaz Houchidar

Note : 3.5 sur 5.

Résumé


Le conteur de ces petites anecdotes se promène dans la ville et s’amuse du comportement des citadins dont il fait partie. Plus tard dans sa carrière d’écrivain, c’est plutôt dans les campagnes qu’il observe ses propres sensations. Ce recueil réunit également les histoires de deux personnages que sont « La petite Berlinoise » et « Madame Scheer » qu’il croque avec à la fois ironie mordante et empathie.

Commentaires

Les petits tableaux proposés par Walser sont comme des instantanés, des moments et des lieux croqués en quelques traits de crayons savamment tracés, un carnet d’esquisses, baveux de rapides aquarelles. On rapprochera ces proses brèves des « remarques » de La Bruyère dans Les Caractères, des Petits Poèmes en prose de Baudelaire ou encore des aphorismes de Nietzsche ou Cioran. Mais c’est peut-être du côté d’une autre culture, le condensé japonais des haïkus par exemple, qu’on pourrait voir un art semblable du court, léger et plein d’esprit.
D’une grande fraîcheur d’ironie, Robert Walser se détache ici de l’ironie typique d’une époque nietzschéenne en s’intégrant toujours à l’objet qu’il critique. La critique ne détruit pas comme le ferait le cynisme car l’objet demeure toujours respecté. Les récits plus tardifs qui renouent avec une sorte de romantisme semblent moins adaptés à son style qui n’arrive vraiment à pénétrer son objet qui reste une curiosité. Plus apte à percer les mouvements de l’homme en société, il rend ses semblables touchants dans leur rôle pourtant ridicule ou pitoyable, car il garde dans le ton une certaine humilité.

Passages retenus

« En tramway », p. 59 :
Car bien-sûr, on s’ennuie un peu durant ces courses qui vous prennent souvent vingt ou trente minutes ou encore plus longtemps, et que fait-on pour se procurer un peu de distraction ? On regarde devant soi. Montrer du regard et du geste qu’on se barbe un petit peu, cela ménage un plaisir tout à fait particulier. Et maintenant, on scrute de nouveau le visage du contrôleur, l’instant d’après on se borne à regarder fixement devant soi, les yeux vides. N’est-ce pas joli ? Une fois comme ceci, une fois comme cela ? Je dois avouer que j’ai déjà acquis une certaine maîtrise technique dans le regard droit devant soi.

« La rue », p. 121 :
Je voulais parler à quelqu’un mais n’en trouvai pas le temps ; je souhaitais avoir un repère solide mais n’en découvris pas. Au beau milieu de l’incessante progression, j’avais envie de me tenir immobile. Le foisonnement et la rapidité étaient trop foisonnants et trop rapides. Chacun se dérobait à chacun. C’était comme un flux qui s’en allait comme s’il se dissipait, qui venait comme machinalement et disparaissait de même. Tout était irréel, moi aussi.
Soudain, je vis dans toute cette précipitation et cette hâte une indicible inertie et je me dis à moi-même : « toute cette masse ne vaut rien et ne fait rien. Ils sont tous empêtrés les uns dans les autres ; ils ne bougent pas, sont comme enfermés, s’en remettent à une violence sourde mais sont eux-mêmes le pouvoir qui s’exerce sur eux et ligote le corps et les esprits.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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