Imaginez la scène : Les Acharniens, Aristophane

Désobéissance civile, l’andouille ou l’épée

Aristophane -425, Les Acharniens [in Théâtre complet, t. 1], GF Flammarion, 1966

traduction du grec ancien par Marc-Jean Alfonsi

Note : 4 sur 5.

Cette édition contient :
Les Acharniens (-425)
Les Cavaliers (-424)
Les Nuées (-423)
Les Guêpes (-422)
La Paix (-421)

Résumé

Dicéopolis désespère de faire voter la paix à la Pnyx, l’assemblée des citoyens. Il signe donc un traité pour lui seul et commerce en paix avec tous les peuples. Les Acharniens, mécontents qu’on traite avec leurs ennemis mortels, viennent pour le lapider. Dicéopolis emprunte un déguisement de mendiant à Euripide pour les attendrir. Le général Lamachos vient pour aider à vaincre ce pacifiste acharné.

Commentaires

L’objet principal de cette comédie est une critique de la guerre, mais plus encore une critique des personnes qui la soutiennent et s’opposent aux négociations de paix. Il y a quelque chose de très actuel dans la critique que fait Aristophane des Acharniens – qui donnent leur nom à la pièce – prêts à tuer un citoyen ami pour maintenir l’animosité du pays pour un peuple avec lequel ils ont un différend. La figure de Dicéopolis porte bien entendu tout le discours et les arguments de l’auteur. Il s’agit de s’attaquer tour à tour à tous ceux qui font obstacle à la paix. Les citoyens de la Pnyx qui ont des intérêts dans la guerre et d’autres préoccupations, le peuple qui aime avoir des ennemis, les marchands jaloux ou les militaires. Il pointe du doigt le gâchis des finances, les soldes données sans raison aux généraux… Le manque à gagner du commerce et l’intérêt évident qu’il y aurait à avoir de bons échanges avec les peuples voisins (il propose même l’échange des citoyens indésirables…). Il montre enfin que même les héros de guerre, au fond profitent de la guerre pour gagner de l’argent et de la gloire mais ne souhaitent pas partir au front.

L’humour se fait notamment par la mise en parallèle de points sérieux et de thèmes du bas corporels ou de la nourriture. L’analogie entre objet sexuel et nourriture (par exemple entre phallus et andouille) est d’ailleurs sans cesse réitérée. La dernière scène où le départ douloureux de Lamachos au front enneigé, est mis en parallèle avec la préparation par Dicéopolis d’un grand banquet, est le sommet comique de la pièce. Par ailleurs, Aristophane a réservé une petite place à un épisode parodiant les tragédies larmoyantes de Euripide et leur auteur.

Intrigue éclatée et à priori sans suspens, on sent bien cependant le potentiel dramatique et comique des différentes scènes. La menace de condamnation par les Acharniens de la paix de Dicéopolis pourrait être soulignée davantage pour servir de ressort dramatique. Le traité de paix passé entre une personne seule, un marchand, et la nation des ennemis de son pays a bien-sûr quelque chose d’absurde et crée un comique de situation mais on peut également penser à une illustration de la désobéissance civile chère à Henri David Thoreau.

Passages retenus

Phalès, compagnon de Bacchus, bon festoyeur, noctambule, coureur de femmes mariées, amateur de jeunes garçons, je te salue enfin, maintenant qu’après cinq ans d’absence je reviens le cœur joyeux dans mon village, grâce à la paix que j’ai conclue pour mon propre compte et qui me délivre des soucis, des combats et des Lamachos. Car il est beaucoup plus agréable, Phalès, mon cher Phalès, de surprendre Thratta, la servante de Strymodôros, mignonne bûcheronne en train de dérober du bois sur le Phellée, de la prendre par la taille, de la soulever de terre, de la culbuter, et de lui enlever sa fleur. Phalès, mon cher Phalès, si tu veux, buvons ensemble, et demain à l’aurore, les vapeurs de l’ivresse une fois dissipées, tu boiras la coupe de la paix, et l’on accrochera le bouclier sous le manteau de la cheminée.

p. 35

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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