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Crache ton cerveau : Le Bonheur primitif, d’Olympe de Gouges (philo)

Qu’est-ce qui nous pousse à chercher le luxe ?

Olympe de Gouges (1789), Le Bonheur primitif de l’Homme ou les Rêveries patriotiques, éd. Royer, Bailly

disponible en version numérisée sur Gallica ou archive.org

Note : 3 sur 5.
Résumé

Un village de primitifs, reposant sur la solidarité, la stabilité et l’autosuffisance, se trouve perturbé quand un homme excommunié pour avoir séduit la femme de son voisin, revient avec de nouvelles connaissances technologiques.

L’auteure : Olympe de Gouges (1748-1793)

Née à Montauban, officiellement fille d’un maître boucher. Son vrai père aurait été le marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, poète et dramaturge, dont le grand-père d’Olympe avait été le précepteur. En 65, Marie-Olympe est mariée à un traiteur parisien de trente ans son aîné, Louis-Yves Aubry, qui meurt un an plus tard après lui avoir donné un enfant.
Elle rejoint sa sœur aînée à Paris et fréquente les gens de lettre, notamment en revendiquant ouvertement sa filiation, mais elle acquiert une réputation de courtisane entretenue. Elle monte son théâtre itinérant et y fait jouer son fils Pierre Aubry. Elle obtient un grand succès à partir de 1784 avec Zamore et Mirza (L’Esclavage des noirs), ouvertement abolitionniste, qu’elle fait bientôt jouer à la Comédie-Française, s’attirant la haine de nombreuses familles, ce qui lui vaut un premier embastillement.
En 1791, elle publie sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Elle y défend le droit au divorce, le mariage civil, la reconnaissance des droits des enfants nés hors-mariage… Elle propose également un impôt patriotique sur les signes de richesse, un impôt proportionnel sur le salaire, l’interdiction d’emprisonnements pour dettes, la création de maternités et celle d’ateliers nationaux pour chômeurs et de foyers pour mendiants…
Partisane d’une monarchie constitutionnelle et proche de Vergniaud et du groupe Girondin, elle attaque Marat et Robespierre, dénonçant la tendance de leur groupe à la dictature. Elle est arrêtée et exécutée deux jours après le procès des Girondins.

Commentaires

Dans ce court essai, l’auteure illustre ses réflexions par une fable philosophique, suivant en cela l’exemple des philosophes des Lumières qui ont nourri et nourrissent les débats philosophiques et politiques des débuts de la Révolution. Voltaire pour le genre du conte philosophique, Montesquieu pour le modèle du peuple primitif des Troglodytes, bien-sûr Rousseau dans son dialogue sur l’origine et le fondement des inégalités. De la même manière que ce dernier, elle part d’une vision de ce qu’ont pu être les premières sociétés, au néolithique, pour expliquer ce qu’est l’homme d’aujourd’hui, ce qui le mène à être mauvais.

La fable est cependant trop peu développée pour soutenir vraiment la réflexion dont les bases sont trop facilement prises dans la morale chrétienne. L’auteure tombe parfois dans le conventionnel, à commencer par cette faute première d’un homme qui désira la femme de son voisin par ennui. Elle défend ainsi les liens sacrés du mariage, la monarchie contre la démocratie. La reconstitution de la naissance des sociétés humaines est trop rapide et en partie inspirée de la Bible.

La société agricole, réglée par l’austérité, l’équité, la solidarité, est déjà une société très civilisée. Elle rappelle finalement les communautés paysannes, hippies, les néo-paysans, les rêves de décroissance qui existent aujourd’hui même. Elle illustre ainsi l’utopie plus que la société primitive. Et donc l’idée chrétienne d’un monde qui se détériore. C’est principalement par ce tableau que l’essai de De Gouges demeure plaisant.

Ce qui a déréglé ces sociétés idéales est ainsi l’envie d’excès d’un homme qui ne se satisfait pas du minimum garanti par le collectif. Ce vice de l’homme, celui de vouloir plus, de rechercher le luxe, est la chose à combattre dans une société qui se voudrait plus équilibrée. Tout en paraissant tiré de la morale chrétienne, la dénonciation de ce vice touche au monde moderne : ce goût des besoins inutiles.

Passages retenus

La divinité est la même pour tous, p. 3 :
Si l’homme n’a pas la liberté de penser, il faut lui ôter la raison. Nous croyons tous voir la même vérité, quand tous nous voyons différemment. Il en est ainsi des Religions. Que de cultes divers ! Mais le vrai Dieu, tel que l’on doit se l’imaginer, est, ce me semble, un Dieu généreux & bienfaisant ; il laisse prospérer toutes les Nations, sous quelque forme que l’on veuille l’adorer. Quelque bizarrerie que les hommes puissent mettre dans les vœux qu’on lui adresse, ces vœux n’en vont pas moins à lui. Seul Être suprême, il ne peut les partager avec personne.

La Babel des connaissances vite faites, p. 22 :
Je ne dédaigne point les sciences, quoique la bizarrerie de mon étoile ait voulu que je fusse ignorante ; mais c’est l’abus que je condamne. Quel est l’homme qui n’est point savant actuellement ? Quel est le Laquais, le Tailleur, & le Fruitier qui ne veulent pas être philosophes ? La fureur de s’instruire est devenue actuellement une maladie nationale. Tous les hommes vont aujourd’hui au même but ; on ne distingue presque plus le sage d’avec l’insensé. On dit et on fait tant de choses inutiles, que je ne vois que confusion d’idées et de projets. Je compare ce siècle à celui de la tour de Babel ; cependant les hommes assurent que jamais la langue ne fut plus épurée, les idées plus claires, & qu’on est monté au suprême degré de connoissances humaines. Tant de lumières entraîneront peut-être de grands inconvénients.

L’oisiveté du tiers des citadins, p. 53 :
Si Paris est composé d’un million d’habitants, il y en a au moins un tiers qui sont Domestiques. Le quart au plus est occupé ; & le reste sont des hommes oisifs, des femmes débauchées, & qui contribuent pour beaucoup à la perte totale d’un tiers des citoyens de la Capitale. Les campagnes sont abandonnées ; les villes sont trop habitées ; le plus grand nombre des hommes néglige les choses essentielles, pour s’occuper de découvertes inutiles à l’humanité. Le luxe, né des arts agréables, enfans de la molesse, a entraîné la dépravation des peuples les plus policés.

Le rythme naturel en pédagogie, p. 56 :
On ne devrait instruire les jeunes gens que quand ils commencent à développer leurs connoissances, leurs goûts, & leurs penchants : ceux qui seroient nés pour faire de grands Hommes, le deviendraient sans fatiguer leurs organes ni leurs Instituteurs. J’ose croire que de tous les temps, les hommes se sont perdus, quand ils se sont trop écartés de la Nature.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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