Crache ton cerveau : Eloge de l’amour, de Badiou (philo)

Gloire au hasard, passer de l’individu au collectif

Badiou (Alain) 2008, Éloge de l’amour (entretien avec Nicolas Truong), Flammarion, Champs Classiques, 2009

Note : 3.5 sur 5.

Résumé

À l’occasion du festival d’Avignon, Nicolas Truong, journaliste au Monde, s’entretient avec Alain Badiou et l’amène sur le thème de l’amour. Badiou fait de l’amour une force bien contraire à notre société moderne, société de contrôle, de raison, de calcul. L’amour irrigue plutôt la création artistique, la joie démesurée, la vie en collectivité.

Commentaires

A l’inverse de ces sites de rencontre où l’on sélectionne la personne qui semble convenir à nos goûts, Badiou décrit l’amour comme une confiance donnée au hasard de la rencontre. On a ici une conception qui fera penser à un Jacques Brel. La rencontre crée quelque chose de nouveau, dérange les deux rencontrants, là où le site de rencontre fait en sorte que la rencontre ne bouleverse finalement pas les deux identités.
Sur un autre plan, l’amour doit être une réponse à l’individualisme ambiant. L’amour porte vers l’autre, vers la différence.
Badiou établit ainsi un parallèle politique entre l’amour et le communisme. Vivre l’amour, de la manière la plus vraie, c’est expérimenter le communisme dans son expression la plus atomique : deux êtres qui ont à vivre ensemble, à se réinventer continuellement pour s’accepter, combiner ou même conjuguer leurs désirs, leurs forces. C’est autre chose que vivre côte à côte.

Passages retenus

« Dans le monde d’aujourd’hui, la conviction est largement répandue que chacun ne suit que son intérêt. Alors l’amour est une contre-épreuve. S’il n’est pas conçu comme le seul échange d’avantages réciproques, ou s’il n’est pas calculé longuement à l’avance comme un investissement rentable, l’amour est vraiment cette confiance faite au hasard. Il nous amène dans les parages d’une expérience fondamentale de ce qu’est la différence et, au fond, dans l’idée qu’on peut expérimenter le monde du point de vue de la différence. »

La jalousie n’est pas un marqueur de l’amour, p. 54 :
Le rival est absolument extérieur, il n’entre aucunement dans la définition de l’amour. C’est un point capital de désaccord avec tous ceux qui pensent que la jalousie est constitutive de l’amour. […] Est-ce que tout amour doit d’abord, pour se déclarer, pour commencer, identifier un rival extérieur ? Allons donc ! […] C’est l’égoïsme qui est l’ennemi de l’amour, non le rival. On pourrait dire : l’ennemi principal de mon amour, celui que je dois vaincre, ce n’est pas l’autre, c’est moi, le « moi » qui veut l’identité contre la différence, qui veut imposer son monde contre le monde filtré et reconstruit dans le prisme de la différence.

« L’amour est une aventure obstinée.
Le côté aventureux est nécessaire, mais ne l’est pas moins l’obstination. Laisser tomber au premier obstacle, à la première divergence sérieuse, aux premiers ennuis, n’est qu’une défiguration de l’amour. Un véritable amour est celui qui triomphe durablement, parfois durement, des obstacles que l’espace, le monde et le temps lui proposent. »

« L’Amour doit être déclaré et redéclaré car dire c’est fixer le hasard. L’Amour dans la durée, ce n’est pas s’aimer toujours mais réinventer l’Amour.
L’Amour est une reconstruction, une nouvelle expérience du monde à partir de la différence et pas seulement une rencontre, un désir sexuel. »

« L’amour (…) est une construction de vérité. (…) vérité sur un point très particulier, à savoir : qu’est-ce que c’est que le monde quand on l’expérimente à partir du deux et non pas de l’un ? Qu’est-ce que c’est que le monde examiné, pratiqué, vécu à partir de la différence et non à partir de l’identité ? »

« Dans l’amour, la fidélité désigne cette longue victoire : le hasard de la rencontre vaincu jour après jour dans l’invention d’une durée, dans la naissance d’un monde. »

« Il faut réinventer le risque et l’aventure, contre la sécurité et le confort. »

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer