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Lâche ta loupe : Millénium 1 de Stieg Larsson (polar)

Chassons les vices profonds à la racine de la haine

Larsson, Stieg (2005), Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (Millénium 1),Actes Sud, coll. « Actes Noirs », 2006, traduit du suédois par Léna Grumbach et Marc de Gouvenain.

Note : 3 sur 5.

L’Auteur : Stieg Larsson (1954-2004)

Laissé à la garde de ses grands-parents maternels à Norsjö (nord du pays) pendant que ses parents travaillent à Stockholm. Il ne les rejoint qu’à l’âge de dix ans quand ils s’installent à Umea. En 66, ses parents lui offrent une machine à écrire sur laquelle il s’entraîne à la science-fiction.

Après son service militaire, il exerce plusieurs petits jobs avant de rejoindre la grande agence de presse suédoise et d’évoluer vers le métier de journaliste et critique de littérature et de bédé. En 95, il quitte l’agence et fonde le trimestriel Expo, consacré à la lutte contre le fascisme en Suède. Au début des années 2000, il se consacre à l’écriture de la trilogie Millénium, et décède d’un infarctus peu de temps après les avoir envoyés à son éditeur.

Résumé

Mikael Blomkvist a été imprudent, il a attaqué un multimillionnaire qu’il pensait être un escroc, sur des pistes qu’il n’avait pas bien vérifiées. Le voilà condamné pour diffamation et le journal qu’il a créé avec son amie Érika, Millénium, en danger de perdre tous ses appuis financiers. C’est alors qu’il est engagé par Henrik Vanger, ancien chef de la puissante famille d’industriels. Celui-ci lui demande d’écrire sur sa famille mais surtout d’enquêter sur la disparition de sa petite nièce Harriet, une trentaine d’années plus tôt. En échange, il apportera le soutien nécessaire à Millénium et lui donnera de quoi faire tomber l’escroc qui l’a piégé.
Mikael s’installe dans la petite bourgade isolée de Hedestad, sur l’île d’Hedebyön presque entièrement propriété de la famille Vanger, mais piétine sur son enquête. Pour l’aider dans sa tâche, l’assistant d’Henrik Vanger lui envoie alors la petite Lisbeth Salander, qu’il avait recrutée pour enquêter sur Mikael…

Commentaires

Étrange enquête contre-tendance car la mort a eu lieu il y a tant d’années qu’on ne peut imaginer un criminel effrayant… Une bourgade déserte, loin de toute animation… Les premiers personnages présentés sont des vieillards de quatre-vingt ans et le mystère semble reposer sur une fleur envoyée chaque année… Ce premier tome de la série n’a à priori rien pour le grand public. Seuls les deux personnages principaux sont susceptibles de plaire au grand public : l’excentrique grande adolescente, geek, gothique, sans honte sans limite, socialement à la masse, sexuellement non conventionnelle ; le journaliste pourfendeur des grands mauvais riches, aux services d’un journal indépendant, ayant une relation sexuelle ouverte avec son amie et collaboratrice. On les suit d’abord tour à tour, aux prises avec leurs déboires personnels, on découvre par le prisme de leur vision un monde injuste.
L’enquête elle-même va se poursuivre sur une observation de détails par Mikael. En cela, Stieg Larsson fait le lien avec les standards du genre, comme Sherlock Holmes, capable de faire surgir un univers entier à partir d’un détail finement observé que tout autre aurait laissé passer. Mais Mikael n’a rien de l’enquêteur aux compétences exceptionnelles. C’est un homme moyen qui trouve l’indice plutôt par hasard mais se révèle héros par sa persistance, son envie de faire au mieux, d’aller jusqu’au bout des choses.
La noirceur qui frappe d’abord Lisbeth, avant d’être révélée par l’enquête, est celle de la société, de sa perversité. Sans toutefois se complaire dans des descriptions trash, l’auteur n’hésite pas sur certains détails qui donnent une profondeur à un roman tout d’abord très ancré dans le réel. En cela, l’auteur établit un lien entre sexualité profonde et société, soif de pouvoir, un peu comme un Freud aurait pu le poser. Mais c’est bien chez les classes dominantes que Stieg Larsson identifie des tares, dégénérescence…
Écrit avec simplicité, ce premier tome donne de la couleur par la galerie de personnages, qu’il fait exister, chacun occupé à sa vie, par la diversité des décors, par l’entrée précise dans les éléments de l’enquête. Néanmoins, la noirceur repoussante annoncée a finalement quelque chose de décevant. Ceci est dû à la trop grande classification manichéenne des personnages, sans ambiguïté morale aucune, ce qui les rend décevants et simplistes. La toute fin, qui vient en quelque sorte se rajouter sur l’enquête, prend des allures de film facile avec ses vengeances finales du gentil qui prend un malin plaisir à piéger les méchants. On pourra faire le lien avec la fin d’Inglorious Basterds de Quentin Tarantino où les Juifs provoquent une certaine jouissance extatique par la vengeance physique acharnée sur le mal incarné et non nuancé des responsables nazis.
Cette revanche, avant tout féminine, répétition d’une première, met en évidence le but avoué de l’auteur, clairement identifié par le titre : « Les hommes qui n’aimaient pas les femmes ». L’auteur parsème son œuvre d’éléments encadrant son engagement : chiffres, faits divers, chantages… autour de femmes le plus souvent victimes ou bien d’une remarquable indépendance, à l’image tant d’Érika que de Lisbeth. c’est donc dans une enquête et dans un combat contre la face cachée de la puissance du phallus, violence, honte… que le roman nous fait descendre. Là encore, Stieg Larsson rejoint les grands romans policiers en donnant un sens supérieur, social, à des crimes qui pourraient occuper la rubrique faits divers.

Passages retenus

p. 227 : « MAÎTRE BJURMAN CONTOURNA la table et lui montra son relevé de compte – dont elle connaissait le solde jusqu’au dernier öre mais dont elle ne pouvait plus disposer elle-même. Il se tenait derrière son dos. Soudain il se mit à masser la nuque de Lisbeth et laissa une main glisser par dessus l’épaule gauche et sur son sein. Il posa la main sur le sein droit et l’y laissa. Comme elle ne semblait pas protester, il serra le sein. Lisbeth Salander ne bougea pas d’un poil. Elle sentit son haleine dans la nuque et elle examina le coupe-papier sur le bureau ; elle pourrait facilement l’atteindre avec sa main libre.
Mais elle n’en fit rien. Une chose que Holger Palmgren lui avait apprise par coeur au cours des années, c’était que les actes impulsifs menaient tout droit aux emmerdes, et les emmerdes pouvaient avoir des conséquences désagréables. Elle n’entreprenait rien sans au préalable considérer les conséquences.
Ce premier abus sexuel – qu’en termes juridiques on qualifiait d’abus sexuel et de pouvoir sur une personne dépendante, et qui théoriquement pouvait coûter coûter jusqu’à deux ans de prison à Bjurman – ne dura que quelques brèves secondes. Mais il fut suffisant pour qu’une frontière soit irrémédiablement franchie. Lisbeth Salander le considéra comme une démonstration de force de la part d’une troupe ennemie – une manière de marquer qu’au-delà de la relation juridique soigneusement définie, elle était à la merci de son bon vouloir, et sans armes. Quand leurs yeux se croisèrent quelques secondes plus tard, la bouche de Bjurman était ouverte et elle pouvait lire le désir sur son visage. Le visage de Salander ne trahit aucun sentiment. »

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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