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Renverse ton image : L’épopée de Gilgamesh (mythologie)

Première pièce de la littérature ?

XVIIIe siècle avant J.-C., L’Épopée de Gilgamesh, traduit de l’akkadien par Abed Azrié en 1975, Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, 2015

Note : 3.5 sur 5.

Trame compilant des mythes oraux de la civilisation sumérienne, écrite en akkadien à destination des Babyloniens, vers le XVIIIe siècle avant J.-C.

Concernant l’histoire de la civilisation sumérienne, nous vous recommandons le documentaire fondamental Les Jardins de Babel (série Civilisations), centré sur les Sumériens, qui explique bien l’importance du déluge pour cette civilisation, mais également la naissance de l’agriculture dans la région…

Résumé

Gilgamesh est le seigneur violent d’Ourouk. Mais les dieux ont aussi envoyé sur terre le sauvage Enkidou et ils vont faire que la rencontre des deux, s’affrontant comme deux taureaux, donne à Gilgamesh le goût de l’amitié et de l’aventure. Les deux s’en vont affronter Hombaba, souffle du mal et du déluge, dans la Forêt des Cèdres. Puis, Gilgamesh refuse l’amour de la déesse Ishtar et avec l’aide de son ami affrontent sa vengeance sous la forme du taureau céleste. Après que la maladie eut emporté Enkidou, Gilgamesh se lance dans la quête de la jeunesse éternelle, sur les traces d’Oupa-Napishtim, l’homme qui a survécu au déluge et est devenu un dieu.

Commentaires

Apparaissant d’abord comme un récit d’aventure, une simple mise en légende d’un roi de la civilisation sumérienne ayant vraisemblablement existé, l’épopée de Gilgamesh se révèle être un récit de mythologie et de spiritualité comparable à la Bible. On relèvera bien-sûr ce qui est sans doute la première version du récit du déluge, étant donné que celui-ci jouait un rôle particulier dans la civilisation sumérienne, témoin chaque année des grandes crues des fleuves de l’Euphrate et du Tigre, à la fois sources de vie et violence destructrice. Oupa-Napishtim fait monter dans le bateau protecteur toute sa famille et sa maisonnée, ses biens, les animaux domestiques et les artisans du bateau. L’entreprise ne sauve pas seulement un élu, mais bien toute une civilisation.
Le récit est ensuite parsemé de mythes, le sauvage Enkidou, presque parfait à l’état de nature, faible et sensible aux femmes, à la peur et à la maladie parmi les hommes. Les oracles annonçant le destin inévitable des hommes, les songes prémonitoires, les contradictions des dieux… la richesse du récit annonce celle de la Bible et de la mythologie grecque. Mais on ne trouve pas ici d’injonctions morales mais plutôt des récits offerts à la méditation. Le personnage de Gilgamesh n’est pas tout à fait un modèle, étant d’abord mauvais. Mais l’amitié humaine, la fidélité, le rendent bon, sensible au destin de sa race. La mort de son compagnon est l’ouverture d’un questionnement existentiel complexe qu’on pourrait interpréter par la thèse de Régis Debray (Vie et mort de l’image, 1994) considérant la prise de conscience de la mort devant soi comme l’acte de naissance de l’art (d’abord funéraire, visant à couvrir la peur de la mort incorporée). Autre point de réflexion morale, le refus de l’honneur suprême, le mariage à Ishtar, déesse de l’amour. C’est le refus de la démesure, le refus d’un amour qui n’aurait que la passion physique ou la célébrité comme bases fondatrices. La déesse-femme, vexée du refus, appelle à la vengeance, ce qu’on pourra retrouver par exemple chez la femme du maître de Job.
La forme et la signification demeurent parfois énigmatiques, faisant allusions à des événements, des lieux ou des faits culturels de nous inconnus. Mais la majorité du texte nous est aussi accessible que le récit biblique, et peut-être même davantage étant donné que le récit passe davantage par l’utilisation de mythes, et moins par l’énonciation de préceptes où chaque nuance sémantique peut avoir son importance.
Abed Azrié, compositeur et interprète, propose du texte une traduction que ne recherche pas à transformer, à atténuer les apparentes défaillances du récit à nos yeux, les répétitions sont préservées – de nombreuses parties du texte sont répétées deux fois voire plus. La versification l’est elle aussi, montrant que le traducteur a sans doute rechercher la musicalité de la langue, le rythme, le souffle, rappelant que ces textes d’origine, cette épopée, étaient sûrement chantés en public et non lus, à l’instar de celles d’Homère.

Passages retenus

p. 73 : « Seul on ne peut vaincre mais deux ensemble le peuvent l’amitié multiplie les forces, une corde triple ne peut être coupée et deux jeunes lions sont plus forts que leur père. »
p. 81-82 : « Et moi que devrais-je te donner si je te prends pour épouse ? Devrais-je te donner de l’huile et des vêtements pour ton corps ? Devrais-je te donner du pain et de la nourriture ? Mais quelle nourriture et quelle boisson devrais-je te donner qui conviennent à ta divinité ?Quel bien aurais-je si je te prenais pour épouse ? Toi, tu n’es qu’un foyer qui s’éteint en hiver tu es la porte ouverte qui ne protège ni du vent ni de la tempête tu es un palais qui extermine les héros tu es le turban qui étrangle celui qui s’en coiffe tu es du bitume qui souille celui qui le touche tu es une outre qui inonde son porteur tu es de la chaux qui disjoint le mur tu es une amulette de jade qui attire et séduit l’ennemi, une sandale qui blesse le pied. Qui est celui de tes amants que tu as aimé pour toujours ? »
p. 115 : « Comment mes joues ne seraient-elles pas flétries et mon visage sombre ? Comment le chagrin ne serait-il pas dans mon coeur ? Comment la fatigue et l’épuisement ne marqueraient-ils pas mon visage défait pareil au visage de celui qui a fait un long voyage ? Comment la grande chaleur et le grand froid n’auraient-ils pas frappé mon visage ? Le « destin des hommes » a atteint mon compagnon, mon petit frère âne sauvage de la plaine tigre du désert celui qui a vaincu tous les obstacles celui qui a abattu Houmbaba le gardien de la forêt des Cèdres. Enkidou, mon ami, mon compagnon celui que j’ai aimé d’amour si fort est devenu ce que tous les hommes deviennent. J’ai pleuré la nuit et le jour je me suis lamenté sur lui six jours et sept nuits en me disant qu’il se lèverait par la force de mes pleurs et de mes lamentations je n’ai pas voulu le livrer au tombeau je l’ai gardé six jours et sept nuits jusqu’à ce que les vers recouvrent son visage après sa mort je n’ai plus retrouvé la vie et je suis allé errant dans le désert. Ce qui est arrivé à mon ami me hante mon ami que j’aimais d’amour si fort est devenu de l’argile et moi aussi devrais-je me coucher et ne plus jamais me lever ? Et maintenant que j’ai vu ton visage, échanson, pourrais-je ne pas voir la mort que je crains ? »

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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