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Ramasse tes lettres : Mademoiselle Fifi, Maupassant (nouvelles)

Toute une école de la vie dans ces petites cruautés

Maupassant (Guy de) 1646-1661, Mademoiselle Fifi [in Oeuvres complètes], Gallimard, coll. « nrf La Pléiade », 1979

Note : 4.5 sur 5.
Sommaire

Mademoiselle Fifi (1882/03/23) ****
Madame Baptiste (1882/11/28) ****
La Rouille (1882/09/14) ****
Marroca (1882/03/02) ****
La Bûche (1882/01/26) ***
La Relique (1882/10/17) ***
Le Lit (1882/03/16) ***
Fou ? (1882/08/23) *****
Réveil (1883/02/20) ****
Une ruse (1882/09/25) ***
À cheval (1883/01/14) ****
Un réveillon (1882/01/05) ***
Mots d’amour (1882/02/02) ***
Une aventure parisienne (1881/12/22) ***
Deux amis (1883/02/05) *****
Le Voleur (1882/06/21) *** *
Nuit de Noël (1882/12/26) ****
Le Remplaçant (1883/01/02) ****

Mademoiselle Fifi ****

Un commandant prussien et ses troupes, occupent le château d’un noble en fuite. Devant le spectacle désastreux d’un ciel toujours en colère, les militaires s’ennuient terriblement et décident d’inviter quelques fille publiques françaises pour se divertir.

Pourquoi ce surnom féminin digne d’une fille publique française justement pour ce jeune soldat allemand, froid, cruel, sans-gêne et destructeur ? Maupassant réutilise deux des thèmes qui lui ont apporté le succès : l’occupation allemande et les prostituées. L’histoire paraît si singulière qu’on croirait bien qu’elle n’a pas été inventée. Rachel, la prostituée patriotique, n’est pas vraiment l’image du patriote attendue.


p. 385 : « La pluie tombait à flots, une pluie normande qu’on aurait dit jetée par une main furieuse, une pluie en biais, épaisse comme un rideau, formant une sorte de mur à raies obliques, une pluie cinglante, éclaboussante, noyant tout, une vraie pluie des environs de Rouen, ce pot de chambre de la France. »
p. 395 : « Moi ! moi ! Je ne suis pas une femme, moi, je suis une putain ; c’est bien tout ce qu’il faut à des Prussiens. »

Madame Baptiste ****

Une jeune femme va être enterrée sans cérémonie. On raconte à notre conteur comment la jeune fille s’était fait violer autrefois par un valet du nom de Baptiste. Même un mariage n’avait pu empêcher la honte de triompher.

Ce petit conte met en évidence la cruauté des conventions sociales, la cruauté du comportement populaire, la stupidité de l’opinion, cette girouette, devant la souffrance digne de pitié d’une femme qui subit des humiliations comme si elle était responsable du crime qu’elle a subit. (Selon les lois sociales de l’époque : la femme violée est plus ou moins responsable du crime, elle l’a cherché. Elle est vue comme une pestiférée.)


p. 657 : « Oh, monsieur, avez-vous jamais vu une femme devenir folle ? – Non. – Eh bien, nous avons assisté à ce spectacle-là ! Elle se leva et retomba sur son siège trois fois de suite, comme si elle eût voulu se sauver et compris qu’elle ne pourrait traverser toute cette foule qui l’entourait. »
p. 658 : « Elle ne remuait plus, éperdue, sur son fauteuil d’apparat, comme si elle eût été placée en montre pour l’assemblée. Elle ne pouvait ni disparaître, ni bouger, ni dissimuler son visage. Ses paupières clignotaient précipitamment comme si une grande lumière lui eût brûlé les yeux ; elle soufflait à la façon d’un cheval qui monte une côte. »

La Rouille ****

Un honnête homme, passionné de chasse, approche de la cinquantaine, s’inquiète de sa capacité à continuer sa passion solitaire, et se demande ce qu’il pourra bien faire après. Ses amis lui trouvent une femme pour remédier à ce grand souci. Mais M. Hector s’en va à Paris pour une toute petite affaire…

Ce conte pose le problème de la « rouille » physique, qui peut finir par rendre impossible l’habitude d’une vie et peut réduire à néant une passion existentielle, et même plus encore.


p. 543 : « On conclut qu’un grand mystère était caché dans la vie du baron, qu’il avait peut-être des enfants naturels, une vieille liaison. Enfin l’affaire paraissait grave ; et pour ne point entrer en des complications difficiles, on prévint habilement Mme Vilers, qui s’en retourna veuve comme elle était venue. »

Marroca ****

Au cours d’un voyage en Algérie, notre conteur rencontre, à l’heure la plus chaude de la journée, une jeune fille farouche qui se baigne nue. Insatiable et impudique, la jeune femme voudrait que tous deux couchent une fois dans le lit de l’époux…

Suivant ces termes : « Quand je sais comment on aime dans un pays, je connais ce pays à la décrire, bien que ne l’ayant jamais vu. » ; Maupassant rend compte d’un amour exotique qui prend place sous le soleil d’Algérie. Les paysages et la chaleur prennent un véritable sens poétique qui accompagne l’aventure amoureuse. Mais cette aventure prend une tournure plutôt inquiétante, par le caractère excessif de cette femme arabe. Ce thème, prolongé dans « Allouma », 7 ans plus tard, prendra l’aspect d’une incompréhension entre les civilisations arabes et européennes, mais aussi d’une fascination pour la bestialité.


p. 367 : « Entendons-nous bien. Je ne sais si ce que vous appelez l’amour du cœur, l’amour des âmes, si l’idéalisme sentimental, le platonisme enfin, peut exister sous ce ciel ; j’en doute même. Mais l’autre amour, celui des sens, qui a du bon, et beaucoup de bon, est véritablement terrible en ce climat. La chaleur, cette constante brûlure de l’air qui vous enfièvre, ces souffles suffocants du Sud, ces marées de feu venues du grand désert si proche, ce lourd siroco, plus ravageant, plus desséchant que la flamme, ce perpétuel incendie d’un continent tout entier brûlé jusqu’aux pierres par un énorme et dévorant soleil, embrasent le sang, affolent la chair, embestialisent. »

La Bûche ***

Un homme, resté garçon, raconte à une vieille femme de ses amis, comment une bûche, après le mariage de son meilleur ami, le mit dans la situation de Joseph et le dégoûta du mariage.

La bûche, l’objet de la réminiscence du souvenir et objet qui provoquerait l’adultère, mais qui l’empêcha ; occupe une véritable place poétique. La perfidie féminine est ici largement mise en avant, une perfidie à l’origine d’un dérèglement du comportement de l’homme qui refuse le mariage.


p. 356 : « Ah ! ma chère amie, je vous réponds que je ne m’amusais pas ! Quoi ! tromper Julien ? devenir l’amant de cette petite folle perverse et rusée, effroyablement sensuelle sans doute, à qui son mari déjà ne suffisait plus ! Trahir sans cesse, tromper toujours, jouer l’amour pour le seul attrait du fruit défendu, du danger bravé, de l’amitié trahie ! Non, cela ne m’allait guère. Mais que faire ? imiter Joseph ! rôle fort sot et, de plus, fort difficile, car elle était affolante en sa perfidie, cette fille, et enflammée d’audace, et palpitante et acharnée. »

La Relique ***

Henri Fontal fait croire à sa femme qu’il a volé pour elle une relique des 11000 vierges, qu’il a achetée à un marchand courant les rues.

Petite anecdote drôlatique, ce conte met en évidence un comportement féminin difficile à contourner et qui crée parfois beaucoup de problèmes : le petit mensonge si plaisant qui rend de fiers services et camoufle une vérité qui aurait fortement déplu. Mais mis à nu, ce mensonge devient trahison.


p. 589 : « Tu connais Gilberte, ou plutôt tu crois la connaître ; mais connaît-on jamais les femmes ? Toutes leurs opinions, leurs croyances, leurs idées sont à surprise. Tout cela est plein de détours, de retours, d’imprévu, de raisonnements insaisissables, de logique à rebours, d’entêtements qui semblent définitifs et qui cèdent parce qu’un petit oiseau est venu se poser sur le bord d’une fenêtre. »

Le Lit ***

Notre conteur découvre, dans une chasuble du XVIIIe qu’il vient de s’approprier, la vieille lettre jaunie d’une dame à son amant. Celle-ci, apparemment clouée au lit, fait part de ses réflexions sur le lit : lieu de naissance, d’amour et de mort.

On peut retrouver une partie de ce conte dans le chapitre X d’UNE VIE.
Maupassant utilise à nouveau le thème de la lettre d’un autre reproduite telle quelle. Cela lui permet ici de tenir le langage de l’amour du XVIIIe. L’objet « lit » est aussi sujet à une réflexion sur le sens de la vie de l’homme.


p. 382 : « Voici une jeune femme étendue. De temps en temps elle pousse un soupir, puis elle gémit ; et les vieux parents l’entourent ; et voilà que d’elle sort un petit être miaulant comme un chat, et crispé, tout ridé. C’est un homme qui commence. Elle, la jeune mère, se sent douloureusement joyeuse ; elle étouffe de bonheur à ce premier cri, et tend les bras et suffoque et, autour, on pleure avec délices ; car ce petit morceau de créature vivante séparé d’elle, c’est la famille continuée, la prolongation du sang, du cœur et de l’âme des vieux qui regardent, tout tremblants. »

Fou ? **** *

Un homme voyant la passion de sa femme diminuer, devient fou de jalousie. Sa femme trouve désormais plus de plaisir à se promener à cheval…

Motif récurrent de la pensée gênante qui s’impose progressivement à l’esprit, graine de soupçon de la jalousie qui, une fois introduite dans la tête de l’homme, grandit, grandit jusqu’à dévorer sa raison. Interrogation éternelle autour d’un « crime d’amour », la femme rend-elle fou ? ou rend-elle jaloux et criminel ? mauvais et pervers ? En tout cas, la passion décrite ici devient morbide et désespérée. L’acte de folie furieuse peut-il être autre que celui d’un fou ? Sa version et son affirmation « Je ne suis pas fou » ne vient-elle pas justement prouver sa folie ? On ne peut que trop aisément faire le parallèle avec L’Enfer, film maudit de Henri-Georges Clouzot réalisé en 94 par Claude Chabrol.


p. 523 : « Quand elle marchait à travers ma chambre, le bruit de chacun de ses pas faisait une commotion dans mon cœur ; et quand elle commençait à se dévêtir, laissant tomber sa robe, et sortant infâme et radieuse, du linge qui s’écrasait autour d’elle, je sentais tout le long de mes membres, le long des bras, le long des jambes, dans ma poitrine essoufflée, une défaillance infinie et lâche. »

Réveil ****

Pour sa santé, une femme s’éloigne de son mari pour l’hiver et rejoint Paris. Courue par deux hommes, elle finit par tomber amoureuse de l’un qu’elle a embrassé dans un rêve.

Maladresse de femme innocente qui se rend malheureuse et rend malheureux autour d’elle. Thèmes de la désillusion devant le mariage, de la coquetterie féminine, l’acte charnel impulsif. L’acte d’amour vécu en songe devient ici déclencheur d’une folie physique qui appelle à l’acte irresponsable (rejoint les thèses de Schopenhauer sur la surpuissance de l’instinct physique, de l’inconscient, sur la raison). L’attitude et la psychologie des deux amants restent toutefois peu développé.


p. 746 : « La pensée de livrer son corps aux grossières caresses de ces êtres barbus la faisait rire de pitié et frissonner un peu de répugnance. Elle se demandait avec stupeur comment des femmes pouvaient consentir à ces contacts dégradants avec des étrangers, alors qu’elles y étaient déjà contraintes avec l’époux légitime. »
p. 747 : « Ce fut (la réalité n’a pas de ces extases), ce fut une seconde d’un bonheur suraigu et surhumain, idéal et charnel, affolant, inoubliable.
Elle s’éveilla, vibrante, éperdue, et ne put se rendormir, tant elle se sentait obsédée, possédée toujours par lui. »

Une ruse ***

Un docteur raconte à sa patiente comment un jour il fut employé par une dame mariée, à faire disparaître le cadavre de l’amant.

Quel étrange conte. Nous n’aurons pas d’explication sur la mort (excès d’effort sexuel ?), pas de détails sur les sentiments réels de la femme et du médecin. Prennent-ils la chose comme une simple anecdote amusante, comme le médecin cherche à la faire passer ?
La femme montre une figure naïve à la fin du récit (« épouvantable histoire ») alors qu’elle sera peut-être dans la même situation après quelques temps de mariage, d’où le cynisme du médecin, qui tente de lui proposer ses services ? De quelle ruse s’agit-il ? de faire disparaître un cadavre ? ou de convaincre la femme de son caractère volage ?


p. 560 : « Je suis même certain qu’une femme n’est mûre pour l’amour vrai qu’après avoir passé par toutes les promiscuités et tous les dégoûts du mariage, qui n’est, suivant un homme illustre [Chamfort], qu’un échange de mauvaises humeurs pendant le jour et de mauvaises odeurs pendant la nuit. »

À cheval ****

Une famille de vieille noblesse ruinée, maintenant fonctionnaire, projette une belle ballade en cabriolet ; le père montera un beau cheval. Mais voilà qu’il perd le contrôle du cheval.

Si l’anecdote est très simple, et plus ou moins devinable dès le départ (on ne sait exactement ce qui va leur arriver, mais on rit à l’avance de leur souffrance tout en plaignant l’acharnement du sort sur eux), c’est l’attente de leur malheur qui cause tout le plaisir de la lecture. On a de faux avertissements, de faux indices, jusqu’à l’accident qui révèle le caractère de la malchance : une malice de vieille.
Le hasard fait d’un jour de liberté une vie d’esclavage. C’est l’ironie du destin tragique, où comment l’excès de souffrance crée un humour tragique.


p. 705 : « Si on pouvait me donner un animal un peu difficile, je serais enchanté. Tu verras comme je monte ; et, si tu veux, nous reviendrons par les Champs-Elysées au moment du retour du Bois. Comme nous ferons bonne figure, je ne serais pas fâché de rencontrer quelqu’un du ministère. Il n’en faut pas plus pour se faire respecter de ses chefs. »

Un réveillon ***

Passant le réveillon chez un parent dans sa propriété de Normandie, notre conteur et son copain Jules viennent rendre visite à un couple de pauvres paysans dont le grand-père est mort dans la journée, à 96 ans. Il leur prend l’envie de voir le corps.

Un peu longuement exposé pour une histoire si simple. La chute comique aurait nécessité une plus grande tension dramatique.


p. 338 : « La lune à son déclin profilait au bord de l’horizon sa silhouette de faucille au milieu de cette semaille infinie de grains luisants jetés à poignée dans l’espace. »

Mots d’amour *** *

Un amant tente d’expliquer à son amie qu’il faut bien peser le langage de l’amour qui peut rompre tous les charmes lorsqu’il devient ridicule.

Ce petit conte épistolaire est en fait un nouveau brûlot à l’égard de la sensiblerie féminine. Maladresse de la mièvrerie qui s’oppose justement à la bestialité excitante de l’amour dont il est question dans « Marrocca ».


p. 359 : « Vois-tu, ma pauvre enfant, pour les hommes pas bêtes, un peu raffinés, un peu supérieurs, l’amour est un instrument si compliqué qu’un rien ne détraque. Vous autres femmes, vous ne percevez jamais le ridicule de certaines choses quand vous aimez, et le grotesque des expressions vous échappe. »

Une aventure parisienne ***

Une petite provinciale, mariée, se prépare à un voyage à Paris où elle espère vivre l’une de ces aventures libertines formidables dont on entend parler dans les journaux.

Cette petite histoire assez drôle met encore en évidence l’écart entre rêverie illusoire d’amour et réalité décevante, et paraît comme un clin d’œil à la Madame Bovary de son ancien maître.


p. 330 : « Elle se sentit vieillir cependant. Elle vieillissait sans avoir rien connu de la vie, sinon ces occupations régulières, odieusement monotones et banales, qui constituent, dit-on, le bonheur du foyer. Elle était jolie encore, conservée dans cette existence tranquille comme un fruit d’hiver dans une armoire close ; mais rongée, ravagée, bouleversée d’ardeurs secrètes. Elle se demandait si elle mourrait sans avoir connu toutes ces ivresses damnantes, sans s’être jetée une fois, une seule fois, tout entière, dans ce flot des voluptés parisiennes. »

Deux amis *****

M. Morissot et M. Sauvage se retrouvaient chaque dimanche pour aller pêcher en banlieue, avant la guerre. Il leur prend la fantaisie d’y retourner puisque cette guerre s’éternise, malgré la présence des Allemands autour des portes de Paris.

Reprenant quelques éléments de « Pêche à la ligne », l’un des chapitres des Dimanches d’un bourgeois de Paris (premier projet de roman de l’auteur), Maupassant installe cette fois nos deux amis pêcheurs dans le contexte de la guerre. Croisant simplement les thèmes de la pêche (passion de la tranquillité et de la nature) et de la guerre, on peut en déduire toute l’absurdité de la guerre, sa cruauté aveugle, son inutilité, révoltante pour les hommes simples.
Objectivité et précision des détails, simplicité des mots renforcent l’impression de gâchis. Cruauté amusante dans le texte, indignation et pitié entre les lignes.


p. 735 : « Le bon soleil leur coulait sa chaleur entre les épaules ; ils n’écoutaient plus rien ; ils ne pensaient plus à rien ; Ils ignoraient le reste du monde ; ils pêchaient. »
p. 737 : « Les douze coups n’en firent qu’un.
M. Sauvage tomba d’un bloc sur le nez. Morissot, plus grand, oscilla, pivota et s’abattit en travers sur son camarade, le visage au ciel, tandis que des bouillons de sang s’échappaient de sa tunique crevée à la poitrine. »

Le Voleur *** *

Entendant le pas d’un voleur, trois amis, complètement gris, s’arment jusqu’aux dents et attrapent le dit voleur.

Petite anecdote drolatique, l’alcool et le déguisement militaire font des trois hommes des sanguinaires barbares, prêts à tuer le soi-disant voleur qu’ils n’ont même pas entendu prononcer une parole. Ces amis bourrés qui singent l’armée sont révélateurs une nouvelle fois de l’anti-militarisme ardent de Maupassant. En même temps le « tel est pris qui croyait prendre » fonctionne ici sympathiquement.


p. 465 : « Nous le suivîmes en hurlant. Ce fut une bousculade effroyable dans l’ombre ; et après cinq minutes d’une lutte invraisemblable, nous ramenâmes au jour une sorte de vieux bandit à cheveux blancs, sordide et déguenillé.
On lui lia les pieds et les mains, puis on l’assit dans un fauteuil. Il ne prononça pas une parole.
Alors Sorieul, pénétré d’une ivresse solennelle, se tourna vers nous :
« Maintenant nous allons juger ce misérable. »
J’étais tellement gris que cette proposition me parut toute naturelle. »

Nuit de Noël ****

Le gros Henri Templier refuse de réveillonner. Il y a deux ans, il a invité une grosse dame pour le réveillon. Au moment de se coucher, celle-ci accoucha.

L’anecdote de l’accouchement-réveillon est décrite avec grotesque. On retrouve le thème du mauvais hasard qui pour une journée de fantaisie, pénalise toute une vie, et le thème du piège avec la grossesse ressemblant à la rondeur appétissante de la femme. La femme y est décrite avec de plus en plus de noirceur ; sans misogynie, elle apparaît comme toujours incapable de maîtriser son devenir, comme toujours dépendante de l’homme.


p. 696
Je vais rôder, entrer dans les lieux de plaisir, questionner, choisir à mon gré.
Et je me mis à parcourir la ville.
Certes, je rencontrai beaucoup de pauvres filles cherchant aventure, mais elles étaient laides à donner une indigestion, ou maigres à geler sur pied si elles s’étaient arrêtées.
J’ai un faible, vous le savez, j’aime les femmes nourries. Plus elles sont en chair, plus je les préfère. Une colosse me fait perdre la raison.

Le Remplaçant ****

La veuve Benderoi donne rendez-vous chaque semaine au cavalier Siballe pour quelques galipettes rémunérées. Une semaine, Siballe, franchement indisposé, envoie son ami Paumelle à sa place, de peur que la dame ne soit fâchée et aille se chercher un autre soldat.

Simple anecdote coquine, ce petit conte insiste aussi sur l’idiotie caractéristique du milieu militaire, où un militaire est substituable à un autre : « Un dragon et un dragon, quand ils ont le casque, ça se ressemble. » (p.703) ; peu intelligent, parlant mal la langue de leur patrie, uniquement valable pour son physique, le soldat offre ses services et son corps (à défaut de savoir faire autre chose) à la patrie comme à un proxénète.


p. 702 : « Alors ell’ se fit comprendre ouvertement par des manifestations. Quand je vis de quoi il s’agissait, je posai mon casque sur une chaise ; et je lui montrai que dans les dragons on ne recule jamais, mon cap’taine.
Ce n’est pas que ça me disait beaucoup, car la particulière n’était pas dans sa primeur. Mais y ne faut pas se montrer trop regardant dans le métier, vu que les picaillons sont rares. Et puis on a de la famille qu’il faut souvenir. Je me disais : « Y aura cent sous pour le père, là-dessus. »
Quand la corvée a été faite, mon cap’taine, je me suis mis en position de me retirer. »

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Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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