
Thriller à double fond vide, ou quand le producteur tire les grosses ficelles du scénario…
2022, Série française (6 épisodes) d’Olivier Abbou et Bruno Merle.
Thriller. Diffusion Arte.
Fiche Allociné.
Pitch :
Adrien, écrivain en panne, est contacté par un vieil homme, Albert, pour venir écouter et écrire son histoire. Celle d’un enfant seul, mail-aimé, à vif, et de Solange, fille d’une tondue prostituée… La romance s’annonce belle, mais voilà que Albert confesse un crime qu’ils ont commis…
Griffe de critique :
Acteurs magnétiques (venant du cinéma), réalisation soignée et photographie superbe. Un pitch prometteur en tension psychologique, dilemmes humains entre art et morale, amitié naissante et loi, limites de la vengeance féministe (pensons au brut dérangeant de Baise-moi de Despentes) et tentation machiste… Mais voilà que le scénario déjà peu rigoureux (mère et fils se parlent au début de la série comme si ils ne se connaissaient pas et n’ont d’ailleurs pas vraiment de relation affective, tout comme Adrien et son amie Nora) ne suit pas l’idée première, change de cap, déboule naïvement sur le thriller-mélo à la Harlen Coben. Dès le moment où l’intrigue implique l’écrivain (waah du jamais vu !) mais à la manière facile d’une série B (je suis ton père !), les perspectives de complexité humaine s’évanouissent, les personnages sont pris dans une action où ils ne sont plus que des clichés substituables, sans épaisseur : l’écrivain en ancien bad boy dangereux mais jamais trop, trompant mais pas trop, copine mère née mais pas putain pourtant j-lo au rabais, rousse tentatrice plutôt sage mais le tatouage c’est rebelle, flic demi ripou bourré louseur… Duvauchelle se démène, est bon malgré tout, mais Vin Diesel aurait fait l’affaire tout autant. Au fond, les acteurs n’ont plus rien à jouer, seulement faire la grimace adéquate. Seuls les personnages du couple tueur sont plus vivants, ont la profondeur d’un passé crédible et un caractère (le changement d’image de Solange est joliment exécuté ; l’Albert concilie le fun du tueur tarantinesque 70’s et la séduction inconfortable du pervers narcissique). Nombre d’incohérences et de facilités viennent encombrer et rallonger une série qui aurait pu faire un moyen métrage bien intense : inutilité flagrante de la copine et des flics, prétextes à rebondissements abracadabrants et non à une tension dramatique. Adrien qui se prend sans raison d’une envie de découvrir sa famille belge à quarante ans… Nombreuses scènes sans motivation (pas de lien à l’action) virant au grotesque comme Adrien courant dans un chantier pour aller écrire une ligne ! ou Nora courant à travers le paysage corse pour couper les lacets de la route… Wahou !
Volonté d’en faire des caisses comme les ricaines… on reste à la surface (rien sur les rapports de l’écriture et du crime ! sur les limites entre vengeance et meurtre ! rien sur la communication de la tentation par le récit – bien pratique le stéréotype du meurtre dans les gênes ! alors ces tueurs-vengeurs, juste des malades mentaux à enfermer donc ?). Spectacle sans poésie, oublié le surlendemain. Coup marketing (avec la sortie conjointe d’un roman-extension du film – celui écrit par le personnage – pourquoi pas). On cherche à forcer l’adhésion du public en mettant tapis sur les belles images et les belles gueules. Dans l’eau ! Nouvelle occurrence du mal scénaristique français (on aurait pu flirter avec Le Silence des agneaux ou avec Usual Suspects avec une confession mythomane ou manipulatrice, mais scénariste n’est pas le même métier que réalisateur et producteur…).