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Tranche ton oreille : Lettre sur l’astrologie, Maïmonide (pamphlet)

Pourquoi s’intéresser à un domaine de connaissance reposant sur de mauvaises bases ?

Maïmonide (Moïse) 1195, Lettre sur l’astrologie, Allia, 2001

Note : 3.5 sur 5.

Résumé

À la demande des rabbins de Montpellier, le raïs des Juifs en Égypte exprime sa position concernant l’astrologie. Il en a longuement disserté dans son récent Guide des égarés (publié en 1190 mais alors indisponible hors du monde arabe et non traduit). Pour lui, l’astrologie n’a aucun intérêt scientifique ni philosophique et relève de l’idolâtrie, perturbant les croyants dans leur conception et leur être au monde.

Commentaires

Pour commencer, l’auteur dénonce le fétichisme de l’écriture. Dans les premiers temps, l’écriture relevait d’un pouvoir quasi magique détenu par les sorciers et chamanes, et si elle était ensuite le travail manuel des scribes et des clercs, c’était bien la parole des rois et des prophètes qui était contenue, puis celle des aristocrates et des intellectuels. Ainsi, les populations peu alphabétisées et cultivées sont encore souvent impressionnées par le spectacle de l’écriture, pratique maîtrisée par de rares personnes instruites, surtout connue d’eux par les écrits sacrés (exemple chez les peuples musulmans non arabophones où les calligraphies arabes, incompréhensibles, peuvent être parfois regardées comme relevant du divin quand bien même il peut s’agir de publicités…). On pourrait étendre le propos aux langues jargonnantes (comme les critiquent inlassablement Rabelais et Molière) qui éblouissent les peu instruits (par leur latin et leur grec), comme le font à un autre niveau les discours des politiques modernes, pleins de ces mots creux (liberté, égalité, résilience…) ou techniques joliment placés côte à côte avec leurs mesures plus techniques. Le talent oratoire, le degré de sophistication, ou bien encore le fait d’être publié, d’avoir une existence médiatique, ne garantit absolument pas que le contenu ait le moindre intérêt. Ce n’est pas parce que l’astrologie a l’allure d’un discours élaboré, que de nombreuses personnes s’y adonnent, en dissertent avec saveur, que c’est un domaine de connaissance pertinent.

Ensuite, il montre de manière simple que les préoccupations propres à l’astrologie ne rentrent pas dans les connaissances susceptibles d’intéresser ses destinataires. En effet, l’astrologie ne relève ni de la philosophie (ce qui se conçoit logiquement), ni de la science empirique (ce qui se perçoit), ni des religions d’Abraham (ce que disent les prophètes et les justes, de ce qu’il est bon de dire). Ce domaine n’est pris au sérieux par aucun des savants et philosophes de l’antiquité (Aristote en particulier ; mais Ésope et après lui Platon – puis La Fontaine – se moquent de Thalès de Milet, assimilé à un astrologue, qui tombe dans le puits à force de marcher en regardant les étoiles). Ainsi, il est nécessaire de se méfier de connaissances qui ont été rejetées par des penseurs faisant autorité (ce n’est pas suffisant cependant pour écarter un domaine de connaissance – erreur maintes fois répétée de journalistes et autres professeurs, d’invalider une hypothèse par argument d’autorité).

Astrologie et astronomie partagent un même objet (la considération des astres). C’est ce qui peut méprendre et donner par contiguïté une légitimité scientifique à l’astrologie (comme la chimie pour l’alchimie). Or si l’astronomie relève d’une connaissance fondée sur l’observation et la mesure de phénomènes, l’astrologie déduit telle augure de telle position des étoiles, d’après des correspondances arbitraires établies d’après des croyances provenant de cultures religieuses éloignées comme celles des Chaldéens et des Égyptiens. Les deux domaines sont donc fondamentalement différents. C’est dans une certaine mesure la même différence entre un vrai journaliste qui va sur le terrain mener l’enquête (un reporter, un chercheur) et certains pseudo-journalistes qui partent d’une croyance, d’une conviction et vont à partir de celle-ci, élaborer le seul raisonnement possible (c’est malheureusement l’essentiel des discoureurs publics dans les médias grands publics – c’est la manière de discuter la plus instinctive, en partant de ses présupposés). C’est leurs croyances préalables qui aboutissent à leur raisonnement et non leurs observations qui permettent d’aboutir à des hypothèses de connaissances. Là non plus, il ne suffit pas de dire que ces connaissances ne sont pas scientifiques pour les invalider. Maïmonide a bien compris qu’il ne suffit pas, pour enrayer la diffusion d’une pratique païenne indésirable mais séduisante, d’en montrer l’incohérence, les erreurs de raisonnement et de méthode. Le plus important se situerait plutôt au niveau de la morale : cette pratique ne va-t-elle pas à l’encontre des valeurs qui vous sont les plus chères ?

L’astrologie propose un système de fonctionnement du monde original, qui repose sur l’idée – absurde pour la raison – d’une détermination par les astres des destinées depuis la naissance. Cette base s’oppose fondamentalement au monothéisme qui posent le libre-arbitre comme base : l’homme agit et il lui advient du bien ou du mal selon cette action ; l’homme peut donc rechercher le bien. L’astrologie est dangereuse car elle enferme l’homme dans une croyance à l’inconséquence de ses actes. Certes, l’astrologie est nettement plus complexe qu’une simple lecture de thème astral, mais ses fondements en plus de n’être ni logique ni scientifiques, sont fortement pernicieux. Le discours d’Hitler par exemple (dans Mon Combat) est élaboré en mêlant une analyse politique plutôt rigoureuse à une croyance préalable dans la méchanceté fondamentale des juifs et des communistes. C’est donc suivant un système de croyances qu’il propose son action politique (« aryen » en sanskrit signifie noble et rappelle les liens de paternité entre les peuples Indo-Européens ; la croix gammée est un symbole de bien chez les Hindous). Les « crimes contre l’humanité » perpétrés par les Nazis sont, si l’on adhère à leurs valeurs, tout à fait logiques et bien-fondés. C’est par la critique de ces valeurs que l’on en vient à considérer leurs crimes (peut-on faire des généralités sur une ethnie ou religion ? Est-il bon de haïr un peuple ? Peut-on liquider ses ennemis politiques ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Peut-on tuer des innocents pour aboutir au bien ? Est-ce une bonne idée d’éliminer tout ce qui est imparfait ? La différence est-elle condamnable ? De conquérir et d’imposer une seule vérité ? Doit-on imposer ses croyances par la force ?).

Passages retenus

L’astrologie comme fondement de l’égarement de la civilisation, p. 11 :
La cause qui fit que la plupart, sinon tous, hormis les quelques rares rescapés que Dieu rappelle, se sont abusés, la voici : c’est le penchant maladif, puissant et néfaste, de croire d’un prime élan que tout écrit est vrai, et d’autant plus qu’il est plus ancien. Que d’aucuns s’adonnent à ces doctrines, qu’ils les débattent et les commentent, aussitôt s’en emparent, comme de sciences, les esprits impulsifs, pensant en eux-mêmes : « Est-ce pour que le mensonge existât qu’Il fit le stylet des scribes ? Est-ce en vain que l’on traite de ces choses ? »
C’est là ce qui perdit notre royaume et ruina notre Temple ; c’est ce qui nous a conduits jusqu’ici, puisque nos pères ont pêché et ne sont plus, le jour qu’ils trouvèrent bon nombre d’ouvrages sur des matières astrologiques (lesquelles sont le fondement de l’idolâtrie comme nous l’avons montré dans les Règles relatives à celle-ci) ; alors, ils divaguèrent, ils en furent férus. Ils imaginèrent que c’étaient des pensées remarquables et d’une grande utilité ; si bien qu’ils négligèrent l’art de la guerre et la conquête du sol, pensant qu’elles y pourvoiraient. C’est pourquoi les prophètes les ont appelés des insensés et des sots. Et sans doute furent-ils bien sots de marcher après le néant stérile.

p. 23 :
Ne savez-vous pas que le sens de nombreux versets n’est pas littéral ? Aussi, quand le sens commun répugne à les prendre littéralement, le Targum en propose une paraphrase que celui-ci approuve. Que jamais homme ne rejette sa raison par devers lui, car ses yeux sont devant, non derrière ! Je vous ai déjà dit, d’ailleurs, mon sentiment là-dessus.

Le mauvais arbre, p. 25 :
Enfin, je tiens à vous rappeler que tous les détails concernant l’astrologie sont les rameaux d’une même souche. Je vous ordonne donc en conscience : Coupez l’arbre, cassez ses branches, abattez ses rameaux, et dispersez ses fruits ! Plantez à la place l’arbre de la connaissance du bien et du mal, mangez-en le fruit excellent ; étendez la main et prenez encore de l’arbre de la vie ! Que Dieu nous accorde, ainsi qu’à vous, d’en cueillir le fruit, de nous régaler de sa substance, jusqu’au point de vivre pour l’éternité !

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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