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Attache tes papillons : Couleurs, Remy de Gourmont

Le conte est la continuation poétique d’une petite promenade de l’après-midi

Gourmont (Remy de) 1908, Couleurs (Contes nouveaux) [in Couleurs suivi de Choses anciennes], Mercure de France

Note : 4 sur 5.

Résumé

Après une préface présentant un art poétique léger basé sur l’inspiration que donne la promenade, le conteur livre une série de petites histoires d’amour simples, liées à des thématiques de couleur.

On ne croit à la sincérité que de ceux qu’on aime, et je ne vous aime pas.

p. 134
Sommaire

-Préface : chaque conte doit être la continuation d’un mouvement, d’un rythme de marche, imprimé dans l’état d’esprit du poète-narrateur lors d’une promenade dans la vie.
-Jaune : Une jeune paysanne finit par céder à l’œil d’un jeune homme.
-Noir : Un amateur de Dahlia noir finit par tomber amoureux d’une femme rencontrée dans un habillement semblable à la fleur.
-Blanc : Deux jeunes enfants s’aiment et s’embrassent en toute innocence. Leur innocence est brisée un temps quand la jeune fille doit faire sa Communion.
-Bleu : Une princesse est aimée du mari de sa dame d’honneur.
-Violet : Une vieille fille dévote rêvant à un amant, se prend d’affection pour le fils d’une amie qu’elle héberge.
-Rouge : Une jeune fille paysanne portant du lait rencontre par hasard un jeune noble de la région, chassant avec son chien. Elle l’aide à aller chercher une perdrix.
-Vert : Un juge est séduit par une jeune fille aux yeux verts qui aurait empoisonné la vieille dame irascible chez qui elle travaillait.
-Zinzolin : Le jeune Alain forme son désir parmi quatre jeunes filles. La plus craintive se croyant peu aimée, le repousse sèchement et l’attire ainsi.
-Rose : Un garçon aime très sincèrement une fille plus âgée de dix ans qu’un homme courtise.
-Pourpre : Sur la scène, Sidoine maintient qu’il ne faut pas avoir de soupçons sur la fidélité de celle qu’on aime. Clotilde le met à l’épreuve en faisant déguiser son amie en homme.
-Mauve : Une belle jeune femme vient confesser son pêché de chair à un prêtre.
-Lilas : Une jeune princesse se fait rude et prude avec son prétendant qu’elle aime pourtant. Celui-ci feint alors d’accepter et de s’éloigner d’elle, d’être souffrant.
-Orange : Une jeune femme bourgeoise, à la campagne, fait du charme à un officier invité de sa mère.

Commentaires

Des contes écrits d’une manière simple, dans un style finalement très proche d’un Maupassant, style plus réaliste que dans ses premières œuvres qui outraient les procédés symbolistes jusqu’au décadentisme (comme dans le roman Sixtine), avec un recours fréquent à la description objective, à une petite ironie implicite tout en gardant une certaine compassion pour ses personnages. Mais la thématique des couleurs offre à Gourmont l’occasion de petits exercices de style symbolistes. Comme annoncé dans sa préface, chaque conte est une promenade, une nuance dominante, un rythme… L’amour qui fait l’unité du recueil est traité ici avec une grande légèreté sans jamais tomber dans la naïveté ; l’amour est également plutôt positif, chose plutôt rare.
La préface constitue une vraie consigne d’atelier d’écriture, voire même un art poétique qui demeure typiquement symboliste : pour qu’une œuvre littéraire soit solide et cohérente, il est important que l’écriture réponde à une émotion de départ, un mouvement créateur qui persiste et détermine les contraintes et exigences d’écriture. La promenade, par la marche, imprime un rythme, le défilement du paysage, des petites choses de la vie, imprime des couleurs, des sensations, qui donnent toute sa matérialité poétique à l’écriture. C’est une technique qui met au second plan l’idée de base et le travail technique, à l’opposé de la technique académique de pastiche et réécritures d’Antoine Albalat (dans L’Art d’écrire ou Le Travail du style ; débat qu’ils ont eu par oeuvres interposées). Gourmont, en symboliste, cherche à relier directement les sensations à la plume, ce qui annonce davantage les techniques surréalistes d’écriture automatique et les écritures sous contraintes oulipiennes.

La vie est une chose qui doit rire, et quand on ne rit pas, c’est qu’on ne vit pas.

p. 121

Passages retenus

p. 5 :
Un roman est un poème et doit être conçu, exécuté comme tel, pour être valable.

Technique d’écriture symboliste par le rythme, p. 6 :
La beauté [de la prose littéraire] ne peut être faite que de mots et de rythme, le rythme étant primordial. […] Le rythme trouvé, tout est trouvé, car l’idée s’incorpore à son mouvement, et le peloton de fil ou de soie se forme sans que la conscience d’un travail soit quasi intervenue.
Le conte, il me semble, réclame une condition particulière : il faut, pour l’écrire, l’illusion, au moins brève, d’être heureux : une après-midi gaie convient et ceci l’apparente plus étroitement au poème que ne saurait faire une théorie raisonnée. Être heureux, c’est-à-dire avoir joui d’une fleur, de celles que l’on voudra, ou de l’éclat de tels yeux : alors on considère avec intérêt les jeux des autres êtres. En effet, étant heureux ou presque, on ne peut plus rester chez soi, où on ne vit bien que par le désir. Un conte, c’est une promenade.
Presque tous ceux qu’on va lire furent écrits d’une haleine, sauf les retouches et les agrandissements de morceaux trop grêles, les coupures. Aussi il vient certaines fois, un moment où la respiration manque. On remet au lendemain, et c’est dommage, parce que les songes troublent les journées.

p. 20 :
Cette bonne fortune l’enchantait. Il en avait peu d’aussi agréables dans sa carrière de chasseur équivoque. « Mais que les femmes sont difficiles à émouvoir ! les transports de cette amoureuse ont été bien faibles. Elle semblait plus honteuse que tendre, ou plus décidée qu’abandonnée, je ne sais.
Lui cependant avait été très heureux, et de quelle douce paix il jouissait ! Quel charme dans ce corps jeune, dans ces contours qui ont leur forme première, dans ses organes naïfs ! « Elle est lisse comme un tronc de hêtre et sa chair a cédé avec tant d’orgueil, mais tant de simplicité aussi ! Comme c’est simple, l’amour ! »
Il regarda la jeune fille, cherchant des mots à lui dire, mais il n’avait pas l’habitude de la parole, ni surtout de la parole tendre.

Tableau surréaliste ? p. 72 :
On voyait, couchée le long de la rivière, comme une paresseuse, la petite ville ; un de ses bras à demi nus montait vers la gare ; l’autre allait se perdre dans la forêt ; sa tête formait l’église ; son corps, la cité ; et ses jambes, les faubourgs. Tout cela sommeillait et même la gare, entre deux cris.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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