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Ramasse tes lettres : L’écriture ou la vie, de Jorge Semprun (roman)

Difficile exercice de redonner des mots à une mémoire trop longtemps étouffée

Semprun (Jorge) 1994, L’écriture ou la vie, Gallimard, 1994

Note : 2.5 sur 5.

Résumé

Jorge, lauréat du concours général de philosophie, s’est retrouvé à Buchenwald. A la libération, le retour à la vie est difficile. La littérature, l’écriture et les femmes vont l’aider.

Commentaires

Récit de la difficulté de raconter l’horreur, le vécu invraisemblable, emmêlé du thème traditionnel chez Semprun de l’exilé. Si Semprun tente de s’affranchir du récit classique de souvenirs de l’occupation, il se tourne vers un récit d’auto-fiction façon Céline ou Proust. Il s’essaie à une écriture personnelle, a-chronologique qui n’atteint que rarement à un style émotif. On ne sent pas l’émotion sous le verbe, à croire que les souvenirs sont désormais trop lointains pour se prêter à cet exercice, ou qu’il a trop vécu à demi-mort pour proposer une littérature vivante. En découpant son récit, en provoquant échos et effets de construction, il se rapproche d’une structure Nouveau romanesque. Mais l’organisation selon des connexions mémorielles affectives n’a pas les répercussions illuminantes de Proust, ni l’étrangeté matérielle froide du Nouveau roman. Semprun multiplie les références littéraires afin de s’aider lui-même à dire son expérience indicible dans les camps. Ces références permanentes, qui inscrivent l’auteur parmi les grands noms connus des lecteurs à propos de la littérature sur les camps, peuvent fonctionner comme objets de combinaison ou de déformation sur lesquels le texte de Semprun s’appuierait, mais on a plutôt un effet d’allégeance ou de « name-dropping ». Reste cette idée de la littérature comme arme de maintien en vie face à l’horreur humaine, ces auteurs qu’on connaît intimement, ces phrases, ces tons, ces personnages… qui continuent d’habiter et d’égayer un cerveau pratiquement de vie asséché. La vie de la mémoire littéraire est une résistance au travail de destruction abrutissante du fascisme, un peu à la manière Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, où les résistants apprennent par coeur des livres entiers.

Passages retenus

p. 31 : « De semaine en semaine, j’avais vu se lever, s’épanouir dans leurs yeux l’aurore noire de la mort. Nous partagions cette mort qui s’avançait, obscurcissant leurs yeux, comme un morceau de pain : signe de fraternité. Comme on partage la vie qui vous reste. La mort, un morceau de pain, une sorte de fraternité. Elle nous concernait tous, était la substance de nos rapports. Nous n’étions rien d’autre, rien de plus – rien de moins, non plus – que cette mort qui s’avançait. Seule différence qui entre nous, le temps qui nous en séparait, la distance à parcourir encore. »

p. 44 : « Les regards morts, glacés par l’angoisse de l’attente, avaient sans doute guetté jusqu’à la fin quelque arrivée subite et salvatrice. Le désespoir qui y était lisible était à la mesure de cette attente, de cette ultime violence de l’espérance. »

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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