
La beauté humaine interrompue par les événements…
Laferrière (Dany) 1997, Le Charme des après-midi sans fin, Le Serpent à plumes, Motifs, 2005
Résumé
A Petit-Goyave, Vieux Os vit avec sa grand-mère Da. Avec ses amis Frantz et Rico, ils se promènent dans les rues, après l’école, rencontrent les filles, découvrent de nouveaux lieux. Lui est amoureux de Vava mais n’ose lui parler, alors que la Fifi lui court après. Mais Vieux Os suit surtout le notaire Loné, ancien amoureux de sa grand-mère, qui lui fait comprendre le monde des adultes. Mais bientôt, un couvre-feu est décrété dans la ville…
Commentaires
Si l’univers décrit par Laferrière, directement tiré de son enfance, est touchant, et respire la vie haïtienne, le passage du récit itératif du monde de l’enfance, marquée par cette présence de la grand-mère, personnalité entière et drôle, à cet événement politique rompt l’intérêt du récit d’enfance pour une sorte d’aventure policière sans grand intérêt. C’est autour des personnages de Da et de Loné, nourrissant une tendresse amoureuse platonique à distance, que se joue l’apprentissage de Vieux Os. On aurait souhaité plus de cette relation dont le narrateur est l’intermédiaire plutôt que cette aventure qui gâche le ton. Mais c’est peut-être justement la symbolique du texte : l’arrêt brutal de la naïveté de l’enfance, du bonheur simple des amours adolescentes, de la simplicité des relations de village, par la violence du monde…
Passages retenus
p. 36 :
Il y a deux façons de manger des mangues. En les épluchant avec un couteau pour éviter de se salir les mains, comme fait tante Renée. Ou en se lançant dans un corps à corps avec le fruit, l’attaquant de tous côtés, buvant son jus,dévorant sa chair, se salissant le bras jusqu’au coude. C’est ma méthode !
p. 145 :
Je lui ai fait comprendre alors que c’est très grave d’avoir trompé la justice. Il a dû me prendre pour un demeuré. Ces gens de Port-au-Prince n’ont jamais eu aucun respect des lois. Ils se croient même au-dessus de la loi. Pour eux, Loné, nous ne sommes qu’une bande de naïfs. « La province est un réservoir d’idiots », m’a dit, un jour, une type de Port-au-Prince. Ils sont tellement cyniques là-bas qu’ils sont littéralement en train de couler le pays.