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Balance tes neurones : Et si je suis désespéré… de Günther Anders (philo)

L’imagination, remède à l’aveuglement scientiste

Anders (Günther) 1977, Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ? (Entretiens avec Mathias Greffrath), Allia, 2001
Traduit de l’Allemand par Christophe David

Note : 3 sur 5.

Résumé

Au cours de ces entretiens, Anders explique son parcours qui va de la philosophie a priori abstraite à l’engagement concret dans la vie sociale, sa prise de conscience de l’urgence morale au contact de la guerre et de la bombe nucléaire, le constat du décalage entre nos capacités d’action immenses et celle de notre imagination… l’importance et la fonction de son œuvre littéraire méconnue.

Commentaires

Le titre de ces entretiens – quelque peu trompeur – illustre la pensée radicale de Günther Anders, qu’on dit souvent exagérée, qui semble regarder le monde en lui devinant un horizon sinistre. La vie d’Anders, son parcours aux alentours des guerres, donne le moyen de comprendre le cheminement de sa pensée : réaction morale à la destruction du monde par les technologies et leur industrie qui entraînent les hommes malgré eux, la nécessité de pousser les hommes à raisonner plus loin, chacun, aux conséquences, de faire travailler leur imagination pour diriger leurs actions selon leurs désirs profonds (en cela, Anders se rapproche de Platon : dans La République, les individus doivent connaître leur désir profond pour ne pas choisir le mal). Le choix d’une langue claire, accessible, est ainsi en soi révolutionnaire (comparé à la langue volontairement âpre des philosophes, pour se protéger comme l’explique Léo Strauss dans La persécution et l’Art d’écrire, ou plus sûrement par tradition pour faire intellectuel comme les structuralistes, ou mieux ecore parce que écrire de manière claire est plus difficile) , puisqu’il s’agit d’amener à chacun les outils pour penser là où les classes dirigeantes se servent d’expédient pour les rassembler, leur donner un ennemi commun. La littérature devient en soi un arme, visant d’une part à la propagation de thèses, mais surtout simplement à l’éducation du peuple. Comme le conceptualise Todorov dans Critique de la critique, la littérature ne porte pas un discours de vérité, comme la science, mais un discours de croyance. Il est question d’exprimer, de réfléchir, de partager, de diffuser ses peurs, ses envies, ses idéaux, son utopie. Afin qu’une société soit bien d’accord sur la direction qu’elle souhaite vraiment prendre, non qu’elle avance tirée par des forces inconnues, contradictoires et non désirées.

Passages retenus

p. 65-66 : « Ce qui a pris forme là, était le chapitre de Die Antiquiertheit des Menschen sur les « Racines de notre aveuglement face à l’Apocalypse » et sur le décalage [Diskrepanz] entre ce que nous sommes capables de produire [herstellen] et ce que nous sommes capables d’imaginer [vorstellen]. […] L’immoralité ou la faute, aujourd’hui, ne réside ni dans la sensualité ni dans l’infidélité, ni dans la malhonnêteté ou l’immoralité, ni même dans l’exploitation, mais dans le manque d’imagination [Phantasie]. Au contraire, aujourd’hui, notre premier postulat doit être : élargis les limites de ton imagination, pour savoir ce que tu fais. Ceci est d’ailleurs d’autant plus nécessaire que notre perception n’est pas à la hauteur de ce que nous produisons. […] Pour être à la hauteur de l’empirique, justement, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il nous faut mobiliser notre imagination. C’est elle la perception d’aujourd’hui. »
p. 70 : « Les armes sont des marchandises idéales, car ce sont des produits qui, tout comme les biens de consommation, ne servent qu’une seule fois. Vus sous cet angle, les munitions et les petits pains sont des produits de même nature. »
p. 73 : « Quand nous réfléchissons, nous sommes plus petits que nous-mêmes, nous ne pouvons pas nous représenter qui nous sommes (et nous ne voulons pas non plus pouvoir le faire) ; c’est pourquoi nous ne savons pas ce que nous faisons ni ce qu’on nous fait. »
p. 84 : « On dit : l’argent appelle l’argent. Cela vaut aussi négativement : on punira celui qui souffre précisément parce qu’il souffre. »
p. 87 : « Celui qui rayonne continuellement dans ce monde qui est le nôtre, il ne faut pas le prendre au sérieux. »

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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