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Ramasse tes lettres : Les Grands Chemins, Giono (roman)

L’homme est un vagabond

Giono (Jean) 1951, Les Grands Chemins, Gallimard, Le Livre de Poche

Note : 4 sur 5.

Résumé

Un voyageur sans passé traverse les villages des montagnes. Il s’installe là où il peut trouver du travail pour passer l’hiver au chaud. Sur les routes il rencontre un jeune homme vagabond comme lui qui gagne son argent par ses mains habiles pour tricher aux cartes. Il se prend d’affection pour lui.

Il est difficile d’être un monde tout seul. Il y a des jours où j’y arrive. Ce soir, il me semble que je n’y arriverai jamais plus.

p. 58-59

Commentaires

Le personnage principal est ici sans nom et sans passé. On devine donc qu’il a un passé trouble mais cela paraît surtout symbolique. Est-il possible de continuer, de recommencer à vivre après la seconde guerre ? Pour quelqu’un ayant des choses à se reprocher ? Pour un pays ? Ici, Giono montre d’une part que l’homme peut se retrouver lui-même, s’effacer, se diluer dans la nature, dans son amour pour la terre, pour la vie simple. Les hommes se retrouvent dans la lutte contre le froid, contre la faim… pour la survie. D’autre part, ce personnage protège celui du jeune, ce joueur qu’on pourrait croire perdu, parce que sans morale, sans amour, sans respect. Or, ce tricheur admirable, qui attire malgré son comportement, c’est la jeunesse salie qu’on peut aider, en dépit de tout, même contre elle-même.
Hormis cette portée symbolique, le roman se lit pour son esthétisation du pays au sens géologique concret du terme (par opposition à la nation abstraite). Le régionalisme de Giono ne fait pas l’éloge d’une région en particulier, mais de la vie des campagnes et des montagnes, qui s’oppose encore à la vie urbaine – le vagabond en viendrait-il ? – … L’homme et sa vie y sont rudes mais aussi plus simples, plus humaines et attendrissantes. La neige qui fait perdre les chemins et fait rencontrer les gens dans le hasard, la montagne qui isole autant qu’elle rapproche, qui fait entendre le très loin, la sueur et le froid, les grands airs, la chaleur du four, les fenêtres qui abritent du grand vent, ces mains et corps qui bouent après avoir subi le froid… suggèrent une excitation des sens, presque une érotique. C’est encore les voix brutes des personnages, leur bon-vivant, leur caractère en roche, qui frappent toujours juste et rend le roman si agréable.
Roman du voyage sans bagages, de la liberté retrouvée, symbolisée par ce personnage qui a laissé son passé et qui respire fortement, goûtant de nouveau aux délices de la vie.

Passages retenus

Difficile question du bonheur, p. 110 :
Quand le vent tombe, je vais fumer une pipe dehors. Le ciel est aussi blanc que la terre. Il y a une telle épaisseur de neige sur tout que tout a disparu. A peine si une ligne noire comme un fil de tabac dessine le contour des arbres. On a frotté la gomme sur tout : la page est redevenue presque blanche. Les grands châtaigniers des Chauvin sont effacés ; reste à peine des traces là où ils étaient. Le silence et le blanc font un tel vide qu’on a envie de mettre du rouge et des cris dans tout ça avec n’importe quoi. On ne veut pas se laisser aller. On a mille petites combines. Voilà à quoi servent les familles. Les femmes par ce temps-là sont des bénédictions. Pour dix minutes. Mais après ? Refaire le monde entier : il en faut du matériel ! On s’aperçoit qu’en temps ordinaire on a à portée de la main des petits riens qui sont tout. La sécurité ne réjouit pas. Ce qui compte, pour le bonheur, c’est de tout remettre en question.
Etre heureux c’est abattre des atouts, ou les attendre, ou les chercher. Forcer la main est magnifique. Demander aux gens quand est-ce qu’ils sont nés par ici : ce sont tous des enfants de l’hiver. Il n’y a pas plus de jours dans les maisons du village et dans les fermes que dans mon moulin.

p. 133 :
La vie (j’y pense) c’est mille riens. Il y en a qui en font une affaire. Non. C’est peut-être le premier narcisse qui compte. Et pas forcément en beau.

p. 222 :
Pour apprendre quoi que ce soit, il faut toujours un endroit où on ait le temps. Là c’est le rêve. Plus on est renfermé, plus on se renferme. C’est le cas. Qu’est-ce que tu veux regarder ? Il n’y a rien à voir que des murs. On est seul pour se jouer sa petite comédie ; on va jusqu’au bout. Le bonneteau, par exemple, imbattable. Faire filer la bonne carte dans des endroits où tout le monde jurerait sur la tête de sa mère qu’elle n’y est pas, ça ne s’apprend pas en cinq minutes. J’y ai joué trois cent francs et je les ai perdus ; j’en aurais joué cent mille, je les aurais perdus.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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