
L’élite abrite des parasites dont le comportement déviant mène à de grands drames
Simenon (Georges) 1931, Le Chien jaune (Maigret), Grasset, Le Livre de poche, 2008
Résumé
Un homme complètement ivre sort de l’hôtel de l’Amiral à Concarneau où il a joué aux cartes avec des amis. Il s’abrite du vent dans une entrée de maison abandonnée pour allumer sa cigarette. Tandis qu’un chien jaune passe par là, une balle lui est tirée dans le dos. Le commissaire Maigret accompagné de l’inspecteur Leroy est appelé pour résoudre l’affaire. Ils interrogent les amis de l’ivrogne qui étaient là ce soir-là : un vice consul du Danemark, un médecin qui a peu exercé, un ancien journaliste, la jeune serveuse qui a l’air inquiète et triste… D’autres événements ne tardent pas à suivre, et les journalistes de Paris, le maire, font pression sur Maigret pour obtenir des résultats.
Commentaires
Policier assez classique avec des morts mystérieuses, une enquête qui se complexifie et ne sera résolue qu’à la toute fin avec un grand discours explicatif du commissaire. Mais la question de la culpabilité est également complexe et invite le lecteur à une réflexion sur les degrés de responsabilité (celui qui tient l’arme, celui qui pousse au crime). Ce qui rend la narration de Maigret particulièrement intéressante est en conséquence la manière dont l’auteur porte un regard critique sur les personnages mis en scène, à travers son personnage de commissaire, avatar porte-parole, dont le caractère excentrique peut être considéré comme un instrument de défoulement pour l’auteur. Pitié pour les pauvres qui se rendent responsables malgré eux, jouets de la mécanique cruelle mise en place par une classe parasite. Le récit souligne légèrement mais de manière assez claire tout de même le lien qui existe entre ces parasites et le maire. Est-il coupable ? Ou simplement fait de la même chair ? Le récit ne tranche pas mais laisse le lecteur libre de juger sur le comportement de celui-ci qui veut un coupable facile et rapide. En tout cas, le commissaire et ses manières, antipathique pour ses gens d’importance que sont le maire et les journalistes fouille-merde, empathique pour les pauvres victimes et pauvres coupables, entraînera probablement l’adhésion du lecteur.
Passages retenus
p. 27 :
– Viens ici ! Lui dit-il en se renversant sur sa chaise.
Et il ajouta, comme elle restait debout dans une attitude compassée :
– Assieds-toi !… Quel âge as-tu ?
– Vingt-quatre ans…
Il y avait en elle une humilité exagérée. Ses yeux battus, sa façon de se glisser sans bruit, sans rien heurter, de frémir avec inquiétude au moindre mot, cadraient assez bien avec l’idée qu’on se fait du souillon habitué à toutes les duretés. Et pourtant on sentait sous ces apparences comme des pointes d’orgueil qu’elle s’efforçait de ne pas laisser percer.
Elle était anémique. Sa poitrine plate n’était pas faite pour éveiller la sensualité. Néanmoins elle attirait, par ce qu’il y avait de trouble en elle, de découragé, de maladif.
p. 47 :
Maigret n’était pas un ange de patience. Il grommela en enfonçant les deux mains dans ses poches :
– F…ez-moi la paix !
Et il s’achemina vers le centre de la ville.
C’était idiot ! Il n’avait jamais vu pareille chose. Cela rappelait les orages tels qu’on les représente parfois au cinéma. On montre une rue riante, un ciel serein. Puis un nuage glisse en surimpression, cache le soleil. Un vent violent balaie la rue. Éclairage glauque. Volets qui claquent. Tourbillon de poussière. Larges gouttes d’eau.
Et voilà la rue sous une pluie battante, sous un ciel dramatique !