
Quand la honte du chômeur se tourne en révolte de dignité
2019, Série française (6 épisodes)
Réalisation de Ziad Doueiri.
D’après le roman Cadres noirs de Pierre Lemaître.
cf. Allociné.
Résumé :
Au chômage depuis trop longtemps, Alain est présélectionné malgré son âge et ses lacunes pour un poste de DRH dans une grande entreprise. Pour l’épreuve finale, il doit participer à un jeu de rôles peu éthique pour tester la fiabilité des employés. Mais il apprend que quoi qu’il arrive, il n’aura pas le poste…
Appréciations :
La figure du chômeur révolté a quelque chose de presque jouissif. Le visage de Cantona, son caractère, sa fougue, sa fierté, l’incarnent presque trop bien (on se demande comment le bouillant personnage a pu se retenir dans l’avant film). Peu importe, Cantona porte le symbole du chômeur, du gilet jaune peut-être, qui ouvre sa gueule contre un chef immoral, puis par extension un système et une société injustes, car il sent que ceux-ci le renient en tant qu’individu (coup de tête), mais bien plus loin en tant qu’être humain dans sa dignité. On rejoint là les thèses de Simone Weil dans La Personne et le sacré et de Camus dans L’Homme révolté : l’homme peut se battre pour défendre son droit individuel mais pour quelque chose qui le dépasse, sa dignité d’être humain, il peut mettre sa vie en jeu et se révolter vraiment (parce qu’il se bat pour plus que lui).
Même si la seconde partie de la série passe un peu trop de la satire sociale au film à sensation, prison, procès médiatique, héros infaillible, les méchants, les rebondissements… l’ensemble fait sens et le personnage de chômeur en colère acquiert une épaisseur ambigüe (sic. nous préférons cette orthographe qui respecte l’usage du tréma) : s’est-il perdu, éthiquement, en combattant un puissant chef d’entreprise, par des moyens immoraux, alors que le patron n’est qu’un rouage remplaçable ? A-t-il combattu égoïstement ? Se sert-il de la médiatisation de ce qu’il lui est arrivé et de son combat pour simplement s’élever au-dessus des autres et rejoindre une classe sociale élevée respectable ? La révolte des déclassés socialement n’a-t-elle pour seul objectif que de se replacer dans l’échelle sociale sans changer le système ?