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Ramasse tes lettres : La femme d’un autre et le mari sous le lit, Dostoïevski (farces)

Quand le ridicule vous précède

Dostoïevski (Fédor) 1848-1860, La femme d’un autre et le mari sous le lit, Actes Sud, 1994

Traduit du russe par André Markowicz (Tchoujaia jéna i mouj pod krovatiou)

Note : 3 sur 5.

Résumé

Ivan Andreevitch, homme mûr habillé d’une pelisse de raton, s’approche timidement d’un jeune homme en redingote qui semble attendre au pied d’un bâtiment suspect. Il cherche une femme qui serait peut-être entrée dans le bâtiment… Bien-sûr, ce n’est pas sa femme mais celle d’un ami resté en retrait…
Alors qu’il surveille sa femme de loin à l’opéra, Ivan Andreevitch intercepte un message de rendez-vous galant adressé à un amant. Il se pointe à la place de l’amant et entre dans l’appartement pour mieux la surprendre quand une femme au lit se met à crier.

Commentaires

Deux petites histoires, pochades ou farces (très théâtrales bien que non transcrites comme pièces de thèâtre), sur le thème du mari bourgeois trompé, réunies lors de leur refonte et réédition à la sortie du bagne en 1860. Comme la majorité des personnages dostoïevskiens, le mari Ivan bégaye, son discours tremble, avance difficilement, seulement, ce n’est pas par tristesse mais par une agitation de cœur liée à la peur du ridicule social, peur qui l’amène bien-sûr au comble du ridicule, bien au-delà de ce que peut l’être un mari trompé. Le ridicule n’est pas le fait d’être trompé, mais le comportement du bourgeois, qui cherche toujours à sauver les apparences de supériorité sociale qu’il croit posséder, alors même que ses actions et sa situation le placent dans une posture qui nécessiterait une certaine souplesse, de l’autodérision… Sa parole est dégoulinante de politesse de posture, de circonvolutions au-delà de l’acceptable. Lecteurs et personnages d’interlocuteurs les représentant vont de l’écoeurement au rire. Ivan Andreevitch, à sa manière, comme la majorité des personnages dostoïevskiens, semble échapper à son narrateur, dépasse le cadre du récit par sa personnalité, son discours flot inarrêtable de pensées. Un tableau critique de la bourgeoisie de Saint Pétersbourg, qu’on pourra comparer aux Nouvelles de Pétersbourg de Gogol, même si Dostoïevski ne semble pas atteindre de signification supérieure.

Passages retenus

Jeu de dénomination, p. 32 :
Monsieur Tvorogov ressemblait plus à une statue qu’à monsieur Tvorogov.
– Monsieur Tvorogov m’a vue ici, il a proposé de me raccompagner ; mais maintenant, tu es là, et il ne me reste plus qu’à vous exprimer ma brûlante gratitude, Ivan Illitch…
La dame tendit la main à la statue d’Ivan Illitch et la pinça plutôt qu’elle ne la serra.
– Monsieur Tvorogov ! un ami ; nous avons eu le plaisir de nous voir au bal, chez les Skorloupov ; je t’avais dit, tu te souviens ? Comment, tu ne te souviens pas, Coco ?
– Ah, mais bien-sûr ! si, si, je me souviens ! se mit à bafouiller le monsieur en pelisse de raton qui s’appelait Coco. Enchanté, enchanté.
Et il serra, avec chaleur, la main de monsieur Tvorogov.

Une maladie qui a plus de personnalité que le malade, p. 47 :
– Mon petit cœur, je, commença le mari, mon petit cœur, je suis allé chez Pavel Ivanytch. On s’installe pour le stoss, et là, kc’hi-kc’hi-kc’hi ! (il s’était mis à tousser) mais là, kc’hi ! le dos !… kc’hi ! ah quel !… kc’hi-kc’hi-kc’hi !
Et le petit vieux s’enfonça dans sa toux.
– Le dos…, articula-t-il enfin, les larmes aux yeux, le dos qui me brûle… maudites hémorroïdes ! Ni se lever, ni s’asseoir ! Akc’hi-kc’hi-kc’hi !…
Il semblait que la toux qui recommençait dût vivre bien plus vieille que le petit vieux, propriétaire de cette toux. La langue du petit vieux grognait Dieu savait quoi dans les intervalles, mais on ne pouvait résolument rien y comprendre.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

2 commentaires sur « Ramasse tes lettres : La femme d’un autre et le mari sous le lit, Dostoïevski (farces) »

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