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Fouille ton sac : J’ai choisi d’être indien, André Cognat (récit de voyage)

Retrouver le contact de la terre sous le pied nu.

Cognat (André) 1967, J’ai choisi d’être indien, L’Harmattan, 1989

André Cognat, alias Antecume, a fondé le village d’Antecume-Pata, dans le haut du fleuve Maroni et est devenu l’un des grand défenseurs de la culture amérindienne.

Note : 3 sur 5.

Résumé

André Cognat, à vingt-trois ans, abandonne son travail d’ouvrier dans la région lyonnaise et s’embarque pour la Guyane puis remonte le fleuve Maroni jusqu’aux villages amérindiens des Wayanas. Il s’installe parmi eux et apprend leur langue, leur culture et leurs coutumes. Il participe par deux fois au rite initiatique du maraqué. Il est de toutes les expéditions (mont Tumuc-Humac au Brésil, villages du Surinam, liaison avec l’Oyapock, puis avec le Parou affluent de l’Amazonie…), parties de chasses. Avec son appareil photo et son carnet, il se donne comme mission de rendre compte de la culture, de l’implantation des Amérindiens, et de leurs difficultés au contact du monde moderne.

Commentaires

Davantage qu’un travail d’ethnographe, ce livre est plutôt un intéressant récit de voyage, de rencontre. L’auteur multiplie avec délectation les récits des remontées de rapides ou sauts, les diverses expéditions, donnant goût pour ces excursions amazoniennes. Les descriptions des rites, des danses ou des pratiques sont bien sûr très présentes, et très intéressantes, faites avec une prudence tout à fait anthropologique, mais ne sont pas développées scientifiquement. On trouve peu d’analyse, et c’est peut-être volontairement, par pudeur et respect, qu’André Cognat devenu Antecume, se refuse à classer, à ranger, comparer ses frères, bien qu’il ne se refuse en rien de porter un jugement personnel, quoique sans jamais ni méchanceté ni mépris, sur une pratique, croyance, ou un comportement. C’est avec un certain ton d’autodérision que l’auteur acquiert un peu de finesse tant dans l’écriture que dans l’observation.

Passages retenus

Randonnée infernale, p. 86 :
Mes Indiens qui marchent vraiment comme sur une « nationale » ne tardent pas à disparaître car je n’arrive plus à suivre leur rythme infernal.
Je voudrais foncer… Impossible. A chaque pas je bute contre un obstacle ; je marche comme un homme ivre, suant, pestant contre mes guides.
Je m’égare, tâtonnant un long moment avant de revenir sur le bon tracé où je m’enlise dans un bourbier avant de boire longuement à chaque petite crique.
A deux reprises je rejoins les deux hommes qui se reposent. Puis je m’égare à nouveau ; j’appelle, mais rien… sinistrement rien. Je suis seul, fatigué ; perdant mon sang-froid, je maudis ces Ouayanas qui ne veulent pas m’attendre… Puis je reprends confiance, continuant à petits pas précautionneux.
L’après-midi avance, je suis exténué, mes reins sont douloureux à la suite de mes chutes, lorsque dans une dure montée le minuscule tracé se perd dans un enchevêtrement de branches et d’arbres tombés. Je cherche en vain un passage dans cette végétation hostile qui m’entoure, mais je ne trouve rien.
Alors je m’agite, je m’énerve ; je redescends en quête d’une trace pour me mettre sur la piste, mais en vain. Je m’affole de plus en plus, je me décourage, et sur le point de pleurer de rage je gravis une seconde fois la côte, sans rien trouver encore.
Je redescends une nouvelle fois, cherchant la moindre branche brisée et j’en trouve… des dizaines que j’ai moi-même cassées dans mes recherches.
Je rage, je jure, je serre les dents, je remonte à nouveau, de plus en plus flagellé, déchiré, saignant, meurtri, injuriant toujours mes amis indiens…
A l’aide de mon sabre, je me taille un chemin dans ces branchages, escaladant les troncs, m’égratignant encore. Puis je m’insulte furieusement, maudissant mes faiblesses dans une sorte de folie furieuse qui a le don de me fouetter, de me stimuler.

Cruelle partie de chasse, p. 115 :
Les fusils sont aussitôt chargés et nous partons à trois, laissant aux femmes le soin de surveiller les canots, tout en papotant. Nous nous enfonçons dans la végétation épaisse de bordure de la rivière, pour entrer bientôt dans un sous bois assez clair. Asahoukili nous dirige avec un sens extraordinaire de l’orientation, car les cris des atèles ont cessé depuis longtemps de nous indiquer la direction.
Nous ne tardons pas cependant à apercevoir des masses sombres sautant de branche en branche. Profitant de l’arrêt d’un singe-araignée qui nous regarde avec curiosité, Malavate vise le visage imberbe qui se détache de l’ensemble noirâtre de poils. Atteint en pleine face, l’alimi est brusquement lancé dans le vide dans un fracassement de branches froissées.
Pourtant le singe n’est pas mort. Des gémissements atroces, rauques, sortent de ce corps dont le poitrail se soulève à un rythme accéléré, laissant échapper à chaque souffle un mince filet de sang qui suinte le long des lèvres. Un petit alimi, les yeux remplis de terreur, gémit atrocement en étreignant le corps de sa mère, ce qui ajoute une note affreuse à ce pitoyable spectacle.
Sans se soucier de cette agonie, le tireur incise à l’aine pour savoir si la femelle est grasse…
Me détournant de cette pénible vision, je m’élance dans la direction de mon ami Asahoukili qui poursuit une seconde femelle. Je ne tarde pas à le rejoindre et découvre un atèle qui m’offre sa large poitrine, sans se soucier du danger ; comme un défi à la mort…
L’écho de mon fusil trouble la sérénité de la forêt, surprend le singe noir qui s’affaisse brusquement sur la branche. Blessé à mort, il n’en continue pas moins à se traîner, risquant la chute à chacun de ses mouvements incertains. Pour se protéger il se cache dans un bouquet de feuilles, mais ses forces l’abandonnant, il tombe vertigineusement jusqu’au sol où il s’écrase dans un bruit sourd.
Le temps de l’approcher et il rampe encore sur le sol, réussissant même dans sa volonté de vivre à grimper maladroitement à un petit arbuste, tournant sans cesse la tête comme pour surveiller l’approche de son ennemi.
Asahoukili, en riant, le tire par la queue, tandis qu’avec ses dernières forces l’atèle remonte de quelques centimètres. L’Indien met fin à son agonie en l’assommant avec un bâton.
Nous ne tardons pas à rejoindre les canots, et nous déposons les singes au fond de notre embarcation.
Notre progression ne sera plus troublée que par les pleurs du bébé singe. Ces pleurs qui me font revivre cette chasse cruelle, et dont je cherche à me consoler en me répétant que nous avons tué pour vivre.

Fièvre pitoyable de l’or, p. 215
Ainsi, ces hommes qui n’ont qu’une passion : découvrir de l’or, s’entretiennent mutuellement dans l’espoir insensé de la découverte d’un filon. Peut-être, par pur miracle, trouveront-ils quelques grosses pépites. Mais alors quelles seront leurs réactions ? Ne voudront-ils pas tout sacrifier pour obtenir une part plus importante ?
En tout cas, ces hommes sont à jamais prisonniers de l’atmosphère de l’or. Je crois bien qu’ils vivent plus misérablement – et justement en raison de cette cupidité – que les plus pauvres Indiens que j’ai rencontrés.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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