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Regarde ta face : Alexandre le Grand, par Racine (théâtre)

Un conquérant plus sensible à l’amour qu’à la politique

Racine (Jean) 1666, Alexandre le Grand [in Théâtre 1], GF Flammarion, 1964

Note : 2.5 sur 5.

Résumé

Alexandre est près d’envahir les Indes. Les rois indiens et leurs armées se feront exterminer s’ils résistent. Mais Alexandre est tombé amoureux de Cléofile, la sœur du roi Taxile. Il propose aux rois de préserver leurs royaumes s’ils se rendent. Cléofile convainc son frère de faire ainsi. Au contraire, Axiane demande à ses deux prétendants, Porus et Taxile, de combattre pour la gloire et pour son amour.

Commentaires

L’amour promis par Axiane a quelque chose d’un marché perdu d’avance. Si les rois se battent, ils vont à une mort certaine. Ils pourront obtenir l’amour d’Axiane mais seulement dans la mort. S’ils refusent de combattre, ils vivent mais perdent toute chance avec elle. Néanmoins, Porus peut gagner l’honneur et l’amour dans la mort tandis que Taxile peut gagner la vie de ses hommes et l’intégrité de son royaume. Racine favorise cependant celui qui choisit l’honneur et l’amour et par un retournement de situation, sauve celui qui était perdu et condamne celui qui s’est montré lâche. C’est l’amour qui est le plus méritant. On est loin d’une certaine intelligence politique ou raison d’État qui aurait pu l’emporter sur le reste, peut-être comme aurait pu le faire Corneille. Mais ce renversement pose problème car Taxile n’est pas un personnage qui suscite l’empathie. On aurait pu le rendre plus riche en développant les raisons de son choix (son amour pour son peuple…).

D’autre part, les personnages ne cessent de reprocher à Alexandre ses ambitions démesurées et sa soif de conquête et de gloire. Même si l’on est plus fort, quel besoin y a-t-il de conquérir les pays voisins ? Ce reproche pourrait s’adresser à la politique conquérante d’un pays comme la France de Louis XIV. Sa soif de conquête, de gloire, de destruction, est freinée par la belle résistance de Poros et Axiane.

Il y a quelque chose d’assez naïf que ce soit dans l’amour qui guide ces personnages – aussi fou soit-il – ainsi que dans l’esprit politique de ces rois qui ne sont en fait que des adolescents animés uniquement d’amour, d’envie de gloire et de peur. Les dialogues amoureux de Cléofile et Alexandre sont d’ailleurs sans intérêt alors qu’on aurait pu également rehausser l’intérêt du personnage de Cléofile.

En revanche, les descriptions de combat racontées, les bravades de Axiane et Porus, la magnanimité d’Alexandre qui d’une décision transforme deux ennemis acharnés en amis, a quelque chose de celle du Cinna cornélien. Mais cela colle mal au personnage d’Alexandre, mal défini, incohérent, décrit comme orgueilleux, capable autant d’être touché de la détresse d’Axiane que de lui proposer des marchés horribles à Axiane (sauver Porus en acceptant de se marier avec Taxile). Selon la logique, il devrait perdre l’amour de Cléofile pour avoir laisser mourir son frère mais il ne semble même pas en être question.

Passages retenus

Critique de la démesure du conquérant, p. 124 :

Pourquoi nous attaquer ? Par quelle barbarie
A-t-on de votre maître exciter la furie ?
Vit-on jamais chez lui nos peuples en courroux
Désoler un pays inconnu parmi nous ?
Faut-il que tant d’États, de déserts, de rivières
Soient entre nous et lui d’impuissantes barrières ?
Et ne saurait-on vivre au bout de l’univers
Sans connaître son nom et le poids de ses fers ?
Quelle étrange valeur, qui ne cherchant qu’à nuire,
Embrase tout, sitôt qu’elle commence à luire ;
Qui n’a que son orgueil pour règle et pour raison ;
Qui veut que l’univers ne soit qu’une prison,
Et que maître absolu de tous tant que nous sommes,
Ses esclaves en nombre égalent tous les hommes !
Plus d’États, plus de rois. Ses sacrilèges mains
Dessous un même joug rangent tous les humains.

Comment haïr un homme admiré ? p. 142 :

Pensez-vous que ma haine en soit moins violente,
Pour voir baiser partout la main qui me tourmente ?
Tant de rois par vos soins vengés et secourus,
Tant de peuples contents me rendent-ils Porus ?
Non, seigneur : je vous hais d’autant plus qu’on vous aime,
D’autant plus qu’il me faut vous admirer moi-même,
Que l’univers entier m’en impose la loi,
Et que personne enfin ne vous hait avec moi.

Fierté du résistant, p. 153 :

Crains Porus ; crains encor cette main désarmée
Qui venge sa défaite au milieu d’une armée.
Mon nom peut soulever de nouveaux ennemis,
Et réveiller cent rois dans leurs fers endormis.
Étouffe dans mon sang ces semences de guerre ;
Va vaincre en sûreté le reste de la Terre.
Aussi bien n’attends pas qu’un cœur comme le mien
Reconnaisse un vainqueur, et te demande rien.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

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