Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Atelier d’écriture : la bio-fiction (ou bio-pic romancé)

La main de Ronsard, rond point de Surgères (17)
« Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »

À vous d’écrire la vie des grandes et des grands !

Principe : compléter les zones d’ombre d’une figure historique ou légendaire, grâce à l’imagination, la logique, la psychologie ou la fantaisie.

Type d’activité : de l’écriture complexe (basé sur un certain nombre de sources à intégrer, respecter, gérer les sources et les hypothèses personnelles, organiser un récit cohérent) à l’exercice de systématisation (simple transformation d’une indication d’événement en phrase : « 1945. Retour au pays. > En 1945, ils sont rentrés au pays. ; 1988. Rencontre de Sophie. > En 1988, il rencontra Sophie. »
Durée : temps long (recherches, brouillon, rédaction, réécriture) ou temps court (si préparation d’une liste d’événements)
Compétences ciblées : recherche/documentation, réinvestissement de connaissances historiques et culturelles, imagination, logique psychologique
Compétences linguistiques :

  • temps du passé (Passé composé/passé simple+imparfait ou présent de narration) ;
  • organisation chronologique : diversité et intégration des repères temporels (d’abord, ensuite, enfin, deux ans plus tard, le lendemain, la veille…) ;
  • reprises anaphoriques : variation des dénominations d’un même personnage (il, lui, l’, celui-ci, le héros, le jeune courageux, l’amoureux…)
  • expression de l’incertitude : modalisation par périphrases (il avait dû…, il peut avoir fait…), les adverbes (probablement, peut-être, sans doute…)
  • vocabulaire des sentiments, envies, verbes de la rencontre amoureuse…
  • verbalisation d’actions (mariage > ils se sont mariés ; succès > il obtient un grand succès…)
  • utilisation des pronoms personnels COD-COI (Il lui donna un baiser, Elle le regardait…)
Genèse

Cette activité a principalement été inspirée par la lecture des Vies imaginaires (1896), de Marcel Schwob (reconstruisant la vie de célébrités de l’antiquité ou du Moyen-Âge dont la vie est très mal connue). Mais aussi par une activité d’un manuel de français langue étrangère (FLE), Vocabulaire progressif du français niveau intermédiaire (CLe International).

Dans l’exrcice 2, il est proposé de raconter la vie à partir d’une liste d’indications biographiques.
Qu’est-ce qu’une bio-fiction ?

Comme son nom l’indique, la bio-fiction réunit biographie de type historique et fiction. C’est un peu l’autofiction mais déplacée sur une tierce personne. C’est surtout l’équivalent littéraire du bio-pic (qui prend bien souvent, pour les besoins de l’image et du temps limité, nombre de libertés avec la vérité). D’ailleurs, les sources historiques sont souvent contradictoires et lacunaires, nécessitant déjà un travail de sélection et d’imagination (pour la continuité de l’action).

Il s’agit de raconter la vie (bio) d’un personnage réel, vivant ou historique, fictif ou légendaire, mais de compléter, reconstituer les aspects inconnus de sa vie par la logique, la probabilité et l’imagination. Surtout, l’auteur s’intéresse à l’intériorité de son personnage, il reconstitue la vie intérieure de ses personnages : quelle a été la première pensée, le premier sentiment, de Napoléon quand on lui a signifié son exil ? A-t-il ressenti un coup dans le ventre, est-il resté incrédule, a-t-il tout d’un coup laisser exploser sa colère, s’est-il senti abattu ?

Genres proches aidant à cerner la bio-fiction :

  • Scénarii de bio-pic : le bio-pic serait en fait la transformation d’une bio-fiction en scénario puis en script, pour donner image à un mythe, rapprocher une figure lointaine.
  • Le récit biographique : évidemment, comme celui-ci, il est question de parler de la vie d’une personne existante, on va donc faire référence à un contexte historique et aux événements connus. Le biographe fait souvent oeuvre d’imagination pour tenter d’expliquer les zones d’ombre. Cependant, le but du récit biographique est de trouver la manière de raconter ces événements, la bio-fiction peut aisément délaisser ces événements car ce qui l’intéresse, ce sont justement cet espace laissé libre à l’imagination.
  • Le roman historique : comme celui-ci, on brode la fiction autour d’événements historiques avérés et documentés. Sauf qu’ici, l’écrit a pour but de produire une cohérence autour de la vie d’une personne humaine – lui donner un sens, une image allégorique, une morale… – là où le roman historique a un but de plongée culturelle dans une époque, un contexte.
  • l’autofiction : au lieu de se fictionnaliser soi-même (comme Céline ou Proust), l’auteur fictionnalise une tierce personne. Cependant, l’autofiction a un but de prise de recul sur soi, de déformation de la vérité pour lui faire prendre l’image rêvée de soi, ou l’image intérieure, ou l’image symbolisée…
  • la fan-fiction : on est en effet très proche de la fan-fiction, dans laquelle le fan (d’une série, d’un dessin animé, d’un personnage en particulier…), raconte une variante, une branche nouvelle (ou arc), une nouvelle aventure… Mais l’objectif est alors de construire, à partir de certains personnages aimés ou d’un univers, une nouvelle aventure, alors que la bio-fiction demeure dans l’univers donné, ne faisant que compléter, interpréter, développer…
Oeuvres exemplaires :
  • François Villon (1892), de Marcel Schwob ; reconstitue la vie du poète légendaire du Moyen-Âge grâce à un gros travail de documentation et de recherches historiques (archives judiciaires), complété d’hypothèses au regard de son oeuvre et des événements de son temps.
  • Vies imaginaires (1896), de Marcel Schwob ; (sur des personnages de l’antiquité dont on sait peu, des figures légendaires de pirates…)
  • Sur le thème des vies légendaires des pirates : Contes et Récits : Pirates, corsaires et flibustiers, de Stéphane Descornes ;
  • Le Principe (2015), de Jérôme Ferrari ; sur le physicien Werner Heisenberg, prix Nobel, et travaillant à la bombe pour le régime nazi
  • Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, de Mathias Enard (2010) ; à partir d’une anecdote historique sur un voyage de Michel-Ange à Istanbul, l’auteur lui prête toute une aventure, un amour…
  • François, le saint jongleur (1999), de Dario Fo ; sur des épisodes de la vie de saint François d’Assise mise en scène.
  • La Légende dorée (XIIIe siècle), de Jacques Voragine ; racontant la vie des saints de l’Eglise. Vie de Jésus (1863), de Renan
  • La vie d’Alexandre le Grand, par le pseudo-Callisthène (se faisant passer pour le biographe officiel contemporain), dans les Vies parallèles de Plutarque (qu’il compareà César), chez Quinte-Curce (très mythifiant), la version aculturée du moyen-âge par Alexandre de Paris (qui écrivit le premier en vers de 12 pieds, devenus alors alexandrins), l’Iskandarnamah perse…
  • Les « Vidas » des troubadours, plusieurs éditions. Les auteurs anonymes du Moyen-Âge ont inspiré leurs successeurs lecteurs qui ont reconstruit leur vie en s’inspirant de leur oeuvre. Pensons à la chanson de Roland, attribuée à un certain Turold… Dans le même genre, Vie d’Esope (XIIIe), de Maxime Planude…

Marcel Schwob a publié plusieurs recueils de petits contes ou récits courts symbolistes. Mais il s’est aussi passionné pour le poète François Villon (XVe) et, avec les travaux de l’historien et archiviste Auguste Longnon, il a reconstitué la vie de Villon (incluse dans le recueil Spicilège, 1896) en cherchant dans les archives du XVe siècle (notamment en croisant les actes de jugements rendus). Malgré le travail historique, il demeure encore quantité de zones d’ombres. François Villon est ainsi le type même de figure historique se prêtant à merveille à ce type d’écrit ; plusieurs auteurs ont ainsi écrit des romans biographiques sur sa vie : Robert Louis Stevenson, Fracis Carco, Jean Teulé, Valentyn Sokolosky, Gerald Messadié. Les Vies imaginaires, assument pleinement le remplissage par l’imagination, d’autant qu’il est question de figures très méconnues.

Mathias Enard dispose d’une grande liberté concernant une potentielle venue à Istanbul de Michel-Ange pour un projet de pont. Il peut laisser libre court à son fantasme quant au personnage et à la ville. Cela n’empêche cependant pas des recherches poussés pour ancrer l’action dans son contexte historique et artistique et dans la vie d’un artiste mondialement connu. Jérôme Ferrari est bien-sûr plus prudent en maniant l’histoire du physicien Werner Heisenberg… Il use ainsi du conditionnel, ou de précautions rhétoriques (peut-être que… ou bien… est-ce possible que…) pour mettre à distance, se détacher d’un récit affirmatif. Prudence s’impose évidemment davantage avec des figures historiques dont la vie nous est plus connue, sous peine de diffamation.

Les saints, Jésus, se prêtent excessivement bien à ce type de biographie-fictionnalisée qui a pour but de faire l’apologie du personnage, de se servir des incohérences pour légendariser le personnage historique. Mais on peut, à l’instar de Dario Fo, s’en servir tout autrement, en rendant plus populaire et simple saint François, en l’assimilant à un excellent orateur, à un technicien du one man show, en le mettant en scène pour montrer son combat pour l’humilité, pour l’égalité… Les auteurs, comme les troubadours du Moyen-Age, qui d’après Michel Zink devaient garder l’anonymat (car l’écriture était un travail manuel réservé aux clercs, indigne d’un noble) donnent également une bonne source d’inspiration (ils se déguisent, se font passer pour des jongleurs, ou louent les services de jongleurs pour endosser le rôle d’auteur, alors qu’ils livrent des messages dans leurs poèmes). Les personnages légendaires de pirates se prêtent très bien à ce genre de récits littéraires. Mais des personnages de dessins animés ou de série, de roman, pourraient également faire l’affaire, on se rapprocherait ainsi de la fan fiction, avec moins de danger quant à la diffamation mais davantage quant aux droits d’auteur…

Enfin, un personnage comme Alexandre le Grand a été tant de fois raconté, les différentes biographies vont de la volonté historique à celle de donner corps et de grandir la légende, de lui redonner un nouveu sens dans un contexte différent (Moyen-Âge, Monde musulman).

exemples de sujets potentiels :

  • vie d’un auteur anonyme ou méconnu de l’antiquité
  • épisode célèbre de l’histoire mais aux détails manquant : le procès de Platon, la perte des oeuvres
  • raconter la vie d’une personne un peu mythomane dont la vérité des actes demeure inconnue (Romain Gary par exemple a pu dire certaines choses incompatibles et parfois contraires aux travaux historiques). L’écriture consistera ainsi à expliquer les mensonges.
  • retracer le parcours, les actions d’une personne dont on a perdu la trace pendant une période, par exemple pendant la guerre ; (~fiction historique)
  • imaginer la vie d’un personnage de film ou de roman hors de la partie connue (~fan fiction)

Analyse pratique d’une activité d’écriture de FLE : mise en récit d’une liste-événements.

Dans cette activité, après une présentation et des exercices sur un vocabulaire spécifique, il est demandé de raconter une histoire à partir d’une liste de dates et événements associés (exercice 2 de la page 25, ici 4e image). Cette activité de production écrite est très efficace – en dehors du fait qu’il soit question de raconter la vie sentimentale comme dans le résumé d’un mélodrame – notamment parce qu’elle permet un réinvestissement de nombreuses éléments (manipulation des temps du passé, des outils d’organisation du récit, gestion des reprises anaphoriques…), et un enrichissement du texte infini pour tout apprenant à l’aise avec les éléments de base demandés.

Nous avons réutilisé cette activité plusieurs fois et, pour la diversifier ou pour la rendre différemment attractive, nous avons constitué de nouvelles listes d’étapes de vie à partir de la biographie de figures célèbres comme Zinédine Zidane, Vanessa Paradis, Romain Duris… On peut ainsi mobiliser différentes sources d’écriture : logique, explications psychologiques, inspiration, descriptions, connaissances encyclopédiques… En tant qu’activité d’écriture complexe et souple, elle permet de faire travailler toute personne quel que soit son niveau, aussi bien en entraînement qu’en évaluation.

Variation du menteur : plutôt que de donner une liste d’événements, on peut au contraire demander aux apprenants de chercher eux-mêmes des informations (maison, bibliothèque) sur une figure célèbre (choisie peut-être par le groupe), puis de raconter l’histoire de cette personne en y incluant volontairement des événements mensongers. La lecture à la classe/au groupe sera donc l’occasion d’un jeu de repérages des mensonges.

Publié par Cyber Luron

Une nuit de prolo, je suivis par hasard un prince et entrai à la taverne des rêves et croyances. Carnaval de fantômes. Dans le cabaret des miracles, je cherchais le non-dit ; en coulisses, je démasquai les bavards littéraires et m'aperçus que j'en portais également ; à la tour des langues, je redescendis dans l'atelier. J'y oeuvre, contemplant la nature, songeant aux premiers hommes qui vivaient sans y penser, groupés.

2 commentaires sur « Atelier d’écriture : la bio-fiction (ou bio-pic romancé) »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :