
Chassons les vices profonds à la racine de la haine
Doyle (sir Arthur Conan) 1887, A study in scarlet (Une étude en rouge) [in Les Aventures de Shrlock Holmes, t. 1], Omnibus, 2005, traduit de l’anglais par Eric Wittersheim
Résumé
Le docteur Watson, très affecté par la guerre d’Afghanistan, accepte une colocation avec un excentrique du nom de Sherlock Holmes, passionné de faits divers et d’expériences de chimie, dilettante et opiomane… C’est alors que les deux lieutenants de Scotland Yard font appel à ses talents de déduction pour comprendre un crime mystérieux, un américain tué dans une maison abandonnée. Watson découvre en lui un esprit d’analyse et de logique extraordinaire, entièrement tourné vers la résolution de crimes et d’énigmes. Sur les lieux, le cadavre ne révèle aucune trace de violence, mais on découvre un mot inconnu écrit en lettres de sang sur le mur, et une mystérieuse bague de fiançailles. L’homme tué est un ancien membre de la communauté des Mormons…
L’Auteur : sir Arthur Conan Doyle (1859-1930)
Né à Édimbourg, fils parmi dix enfants d’un peintre anglais et d’une femme d’origine irlandaise. Il fait ses classes chez les Jésuites, avant de rejeter l’enseignement chrétien. À partir de 1876, il étudie la médecine à l’Université d’Édimbourg tout en commençant à écrire des nouvelles. Il s’embarque comme médecin de bord sur un baleinier en 1880, puis dans un voyage pour l’Afrique de l’ouest. Il défend sa thèse de doctorat en 1885 et se marie.
Il fait paraître Une étude en rouge en 1887, première apparition de Sherlock Holmes, personnage inspiré de son professeur d’université Joseph Bell qui insistait sur le triptyque observation-inférence-déduction. Il s’installe en 91 à Londres et publie les enquêtes de Sherlock Holmes en petits feuilletons destinés à être lus dans les temps de métro. Il fait mourir son personnage pour se consacrer à des romans historiques, mais ne trouvant le succès, il le ressuscite en 1901 avec Le Chien des Baskerville.
Son engagement dans la seconde guerre des Boers en Afrique du Sud en 1900, puis la défense du rôle de son pays, lui valent l’anoblissement. Son implication dans les événements politiques au Congo, lui inspirera le cadre de son roman Le Monde perdu (1912). Après la Première Guerre, il est pris de dépression et se consacre au spiritisme qui marque ses écrits.
Commentaires
Cette première aventure de Sherlock Holmes, marquant donc la rencontre des lecteurs avec ce mythe moderne, est surprenante. La moitié du récit est consacré à cette société des Mormons à laquelle la victime a appartenu. Conan Doyle avait-il un compte à régler avec celle-ci ? Le regard critique est cependant correct, rendant à la communauté certains de ses avantages, vie en groupe, solidarité, humanité, avant d’en faire une espèce de secte dégénérée où tout est sacrifié pour l’enrichissement d’une élite. Cette charge surprenante n’aura pas toujours sa place dans les adaptations de cette première aventure (comme la récente série américaine reprenant jusqu’au titre mais altéré : « study in pink », changeant cette haine pour la secte qui justifie le tueur en un tueur bêtement méchant, qui tue pour l’enrichissement). Cela dit, Conan Doyle ne montre aucune haine personnelle, aucun anti-mormonisme, puisque les mauvais chefs de la communauté sont chassés et la communauté semble reprendre des allures acceptables après cela. C’est davantage la bassesse sociale des moyens qui soutiennent les dominants, que dénonce l’auteur ici.
Le détective, qui a des liens avec les gamins des rues, arrête le criminel mais déterre aussi son histoire, fait émerger les raisons du crime : l’injustice sociale. Ici, celle d’un groupe puissant auquel il est difficile de s’attaquer.
Les origines de Holmes, l’excentricité du détective, qu’on oublie parfois, apparaissent ici de manière claire. Cette première enquête est une énigme, un meurtre qui semble ne pas donner d’indices. Et c’est là que toute la personnalité de l’enquêteur jaillit, cette acuité du regard scientifique.
Passages retenus
Première rencontre avec Sherlock Holmes :
This was a lofty chamber, lined and littered with countless bottles. Broad, low tables were scattered about, which bristled with retorts, test-tubes, and little Bunsen lamps, with their blue flickering flames. There was only one student in the room, who was bending over a distant table absorbed in his work. At the sound of our steps he glanced round and sprang to his feet with a cry of pleasure: « I’ve found it! I’ve found it, » he shouted to my companion, running towards us with a test-tube in his hand. « I have found a re-agent which is precipitated by hæmoglobin, and by nothing else. » Had he discovered a gold mine, greater delight could not have shone upon his features.
« Dr. Watson, Mr. Sherlock Holmes, » said Stamford, introducing us.
« How are you? » he said cordially, gripping my hand with a strength for which I should hardly have given him credit. « You have been in Afghanistan, I perceive. »
« How on earth did you know that? » I asked in astonishment.
« Never mind, » said he, chuckling to himself. « The question now is about hæmoglobin. No doubt you see the significance of this discovery of mine? »
« It is interesting, chemically, no doubt, » I answered, « but practically—— »
« Why, man, it is the most practical medico-legal discovery for years. Don’t you see that it gives us an infallible test for blood stains. Come over here now! » He seized me by the coat sleeve in his eagerness, and drew me over to the table at which he had been working. « Let us have some fresh blood, » he said, digging a long bodkin into his finger, and drawing off the resulting drop of blood in a chemical pipette. « Now, I add this small quantity of blood to a litre of water. You perceive that the resulting mixture has the appearance of pure water. The proportion of blood cannot be more than one in a million. I have no doubt, however, that we shall be able to obtain the characteristic reaction. » As he spoke, he threw into the vessel a few white crystals, and then added some drops of a transparent fluid. In an instant the contents assumed a dull mahogany colour, and a brownish dust was precipitated to the bottom of the glass jar.
« Ha! ha! » he cried, clapping his hands, and looking as delighted as a child with a new toy.
Première investigation, p. 46 :
As he spoke, he whipped a tap measure and a large round magnifying glass from his pocket. With these two implements he trotted about the room, sometimes stopping, occasionally kneeling, and once lying flat upon his face. So engrossed with his occupation that he appeared to have forgotten our presence, for he chattered away to himself under his breath the whole time, keeping up a running fire of exclamations, groans, whistles, and little cries suggestive of encouragement and of hope. As I watched him I was irresistibly reminded of a pure-blooded, well-trained foxhound, as it dashes backward and forward through the covert, whining in its eagerness, until it comes accross the lost scent. For twenty minutes or more he continued his researches, measuring with the most exact care the distance between marks which were entirely invisible to me, and occasionally applying his tape to the walls in an equally incomprehensible manner. In one place he gathered up very carefully a little pile of gray dust from the floor, and packed it away in an envelope. Finally he examined with his glass the word upon the wall, going over every letter of it with the most minute exactness. This done, he appeared to be satisfied, for he replaced his tape and his glass in his pocket.
« They say that genius is an infinite capacity for taking pains », he remarked with a smile. « It’s a very bad definition, but it does apply to detective work. »
Une fille devenue femme, p. 122 :
It was not the father, however, who first discovered that the child had developped into the woman. It seldom is in such cases. That mysterious change is too subtle and too gradual to be measured by dates. Least of all does the maiden herself know it until the tone of a voice or the touch of a hand sets her heart thrilling within her, and she learns, with a mixture of pride and of fear, that a new and a larger has awakened within her. There are few who cannot recall that day and remember the one little incident which heralded the dawn of a new life.